Aller au contenu
Les fillettes: le bonheur à petites doses.
Crédit: Christine Plante

La première fois que j’ai visité Les fillettes, c’était avant qu’elles ne viennent au monde.
 
Dans le temps où ce nouveau petit resto de l’avenue Van Horne à Outremont opérait sous la marquise du Paris Beurre. Mais comme un enfant qui n’a pas encore vu le jour et qui vit déjà au sein de ses parents, Les fillettes étaient latentes. Aujourd’hui, la salle est rafraîchie, les murs, repeints, les proprios, plus jeunes, mais l’âme du bistro français y est toujours. Des petits airs de ressemblance. Même le menu témoigne d’une certaine déférence à ses origines parisiennes chics et classiques. C'est en partie pour respecter la clientèle qui fréquentait les lieux depuis 30 ans, comme cette vieille dame qui vient toujours manger sa demie-tomate, ou l’ancien proprio, qui revient faire son tour à l’occasion pour dire bonjour aux petits nouveaux.

Dans les familles comme dans les restaurants, l’histoire se répète à chaque génération : aux airs de famille s’ajoutent une personnalité propre, une nouvelle identité. Et dans le cas des fillettes, réjouissons-nous : la progéniture a hérité d’un peu de folie et de beaucoup de charme.

La deuxième fois que j’ai visité Les fillettes, c’était pendant les rénos du resto.
 
L’équipe était fébrile, et entre le chaos des coups de marteau, la poussière et l’énervement du lancement, on sentait l’endroit prendre forme et la vie envahir la place. « Les fillettes, drôle de nom pour un resto de boys », que je m’étais dit. Jean-Sébastien Thomas, Carl Champagne, Samuel Fortier, Julien Hébert et Frédéric Ouellet opèrent l’endroit, une brochette exclusivement masculine, et qui en plus, est connue pour son food truck Pas d'cochon dans mon salon, son expertise en BBQ, ses sandwichs au porc effiloché, ses pilons de dinde de Neandertal et autres plats dégoulinants de testostérone. Difficile de faire plus « mâle ».
 
Ces garçons sont pleins de surprises, et font maintenant dans la finesse.   
 
Une « fillette », c’est surtout un format de bouteille de vin de 250 ml. Les bons buveurs ont plutôt l’habitude d’entendre parler des Magnums (1,5 L), des Jéroboams (3L) ou des Balthazars (12L), mais sachez que les formats plus petits sont aussi d’excellents choix pour les œnophiles : on peut en goûter plus. Les sommeliers ouvrent quelques (grandes) bouteilles pour la soirée et distribuent leurs trouvailles «  à la fillette » via de petits entonnoirs, ce qui permet de varier au rythme des plats consommés. C’est donc l’endroit idéal pour faire équipe: je m’occupe du manger, tu t’occupes du boire. Ils ont tendance à bien s’occuper de notre gosier.  

La troisième fois que j’ai visité Les fillettes, la salle était comble. Quelques jours à peine après la grande ouverture, le mot s’était passé d’une oreille à l’autre, une rumeur en coup de vent qui était revenue comme un boomerang. 
 
Au menu, des petits plats, à petits prix. On choisit parmi une quinzaine d’entrées, toutes à 6$ (comme dans SIX dollars), toutes servies dans des assiettes à tapas qui rappellent les tables d’Andalousie, mais dont les saveurs font voyager partout en Europe, en France, en Italie, et autour de la Méditerranée. À ce prix-là, c’est vraiment l’occasion de tout essayer. 
 
Mes recommandations, en vrac :

Le nduja est surprenant. Même si son nom semble plus exotique, c’est un plat typique italien, une pâte de saucisse à tartiner qui – ici – goûte plutôt le chorizo. Le plat n’a pas le look le plus élégant du menu – entre nous, c’est difficile de rendre une saucisse écrasée sexy –  mais c’est délicieux. Bien relevé, bien salé, un plat parfait pour entrer en matière en jacassant joyeusement avec mon convive favori.

Nduja, 6$
Je conseille aussi vivement la salade d’aiguillettes de canard, un mariage heureux entre les saveurs brutes d’un tartare de viande rouge et les contrastes aromatiques d’une salade orientale croquante.

Les têtes de violon pataugeaient dans une crème divine, on aurait dit un bouillon blanc onctueux où auraient langui quelques fruits de mer traités aux petits oignons. Une sauce à mettre en pot demain matin. Le secret, me dit le chef, est tout simplement de l’ail blanchi trois fois, dans une nouvelle eau à chaque fois. Fameux. J’espère que les légumes de saison qui suivront les têtes de violon pourront eux aussi être si bien blottis.

Têtes de violon à la crème d'ail, carpaccio de boeuf au raifort, salade d'aiguillettes de canard, ceviche de bar, 6$.
La morue aux aubergines est jubilatoire. Un filet dodu, juste assez fondant, juste assez cuit pour s’offrir sans résister, et les saveurs lascives de la putanesca, cette sauce nommée « de la pute » probablement parce qu’elle est vieille comme le monde et toujours aussi jouissive.
Morue, aubergines à la putanesca de tomate cerise, 20$
La quatrième fois que j’ai visité Les Fillettes, j’ai découvert leur jardin secret.

 
Sachez que la cuisine ne prend pas de pause entre 11h et 11h, on peut donc se pointer en mode lunch-sur-le-tard ou apéro dinatoire. C’est la clé pour éviter les foules et y couler des jours heureux.
 
Et derrière le restaurant, cachée sous les glycines, une terrasse belle comme le jour.

Les Fillettes
1226, rue van horne
Montréal
(514) 271-7502
lesfillettes.com

Photos Christine Plante

Plus de contenu