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Stéphanie Lapointe nous jase de son penchant pour le rétro et de la nostalgie au cœur de «Liverpool»

Des vielles Fiat, des tête-à-tête dans des casse-croûte dotés de jukebox, la pièce titre «Liverpool» de Renée Martel, un appartement relevant d’une autre époque tellement les choix en matière de déco rétro frappent… Pourtant, dans Liverpool, nouveau thriller romantique de Manon Briand (La Turbulence des fluides et 2 Secondes), l’intrigue est bel et bien campée en 2012 et les personnages sont dans la fleur de l’âge. Quoiqu'un peu déphasés et probablement nés à la mauvaise époque…

Émilie (Stéphanie Lapointe), une préposée au vestiaire du Liverpool, boîte très courue du centre-ville, voit son quotiden sans éclat chambardé lorsqu’elle prend l’initiative de rapporter un manteau laissé au vestiaire à une cliente transportée d’urgence à l’hôpital. Elle se voit alors malgré elle plongée dans une immense saga criminelle avec un homme d’affaires (Louis Morissette) à ses trousses. Thomas (Charles-Alexandre Dubé), un client bien timide du Liverpool qui a un méga coup de foudre pour Émilie, se voit lui aussi aspiré dans ce tsunami de corruption, de hackers tatoués, de bidonvilles africains et d’altermondialistes en crise.


 

Grands malaises
«J’ai l’impression qu’Émilie et Thomas sont très réservés et qu’ils éprouvent un certain malaise par rapport à leur entourage, chose qu’on comprend avec toutes les références visuelles de Manon à une époque révolue, affirme la charmante Stéphanie Lapointe, lorsque nous la rencontrons à l’Hôtel Nelligan pour une entrevue sous le signe de la nostalgie. Il y a des gens comme ça, qui auraient dû naître en 1950 et danser sur du rock ‘n’ roll. Je trouve ça chouette que Manon se penche sur des personnages qu’on voit très peu à l’écran… Habituellement, il est question de grands torturés ou de grands braves. C’est rare qu’on voie des grands… mal à l’aise à l’écran!»

Lapointe, qui cumule les projets d’aide humanitaire en parallèle à sa carrière au grand écran (La peur de l’eau) et sur les planches (Les Filles de Caleb), est certainement l’une des ex-académiciennes qui a le mieux tiré son épingle du jeu (elle demeure la seule femme à remporter le fameux concours télévisuel, en 2004). Celle qui, pour Liverpool, a fait ses propres cascades (elle préfère parler de «chorégraphies») à 4 heures du mat’ avec une vingtaine de voitures de course sur la rue Sainte-Catherine, considère le métier d’actrice comme étant à la fois un grand privilège et une grande responsabilité. «Tout le travail qui se fait en amont d’un film représente tellement dans la vie d’une auteure comme Manon, et c’est la conscience de ce privilège-là, d’avoir été choisie, qui m’anime», reconnaît Lapointe.

Renouer avec l’époque d’Elvis
Briand décrit son film comme une réflexion sur les rencontres amoureuses à l’ère des réseaux sociaux. C’est bien le cas d’Émilie et de Thomas, jeune publicitaire spécialiste du web qui se pointe au Liverpool chaque soir en veston-cravate, mais qui demeure pourtant incapable de faire les premiers pas. Cette angoisse relative à la drague et ce besoin de puiser dans le passé afin de trouver ses repères, Lapointe l’attribue à notre rapport un peu blasé avec la technologie. «Je pense que notre génération est super attirée par le rétro, peut-être justement parce qu’on a démystifié l’Internet et les rapports sociaux. Je reste moi-même un peu nostalgique de l’époque où tout le monde écoutait du Elvis. Ça devait être cool de se rencontrer: on ne se connaît même pas, mais c’est certain qu’on trippe sur la même musique. On le voit aujourd’hui avec les restos qui marchent le plus fort: Big in Japan, il n’y a pas plus vintage que ça!»

Billie Holiday, lambris et chaudrons du Plateau
Quant à ses goûts personnels, Lapointe avoue se donner encore plus à cœur joie dans le vintage qu’Émilie. «La musique que j’écoute, c’est du Billie Holiday des années 50. À un moment donné, je n’arrivais plus à écouter tout ce qui sortait, alors j’ai décidé de me donner le droit d’écouter ce qui se faisait avant que je ne sois là. Ma maison aussi, c’est une maison de grand-mère: mi-industrielle, mi-lambris! [NDLR: revêtement de bois qui donne un petit cachet d’époque] J’ai du lambris partout! J’habite sur le Plateau, mais dans une maison de 1913, donc c’est un mélange.»

En visionnant Liverpool, un parallèle des plus actuels sautera sans doute aux yeux des spectateurs: celui du soulèvement et de l’indignation des jeunes confrontés à un engrenage politique et économique carrément corrompu. Même si Briand n’aurait pu se douter à quel point cette tranche du scénario ferait écho au climat politique québécois trois années après l’écriture, Lapointe y voit un portrait empreint de justesse d’une génération urbanisée qui ne se cache pourtant pas derrière l’écran. «C’est vrai qu’en ville, les gens se parlent moins, réfléchit-elle, mais je crois que tous ces gens qui sont sortis avec leur chaudrons sur le Plateau auront été l’une des plus belles révélations de la crise étudiante. C’était comme, ‘‘wow, j’ai un voisin qui s’appelle Marc!’’ Et maintenant on se parle. Mais ça prend des verglas, des tremblements, des gros trucs pour qu’on se parle.»

Liverpool prend l’affiche le 3 août

 

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