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Provisions 1268: manger pour le plaisir
Crédit: Christine Plante

Je n’ai jamais payé pour du sexe, mais quand j’y pense, je paye régulièrement pour me faire plaisir en mangeant.

Je vous sens déjà sceptiques et je vous rassure, le plaisir de la gastronomie est plus fin, plus subtil que d’autres sources d’épanouissement physique… Pour cela je vous invite à lire mon collègue Éric qui saura certainement vous rassasier mieux que moi sur la question.

Moi, je veux vous parler de l’expérience presque sensuelle que j’ai vécue lors de mon dernier passage au restaurant Provisions 1268, ouvert à l’automne dernier sur l’avenue Van Horne à Outremont.

Tout d’abord, il faut savoir que c’est un restaurant sans menu. L’unique formule qu’on y propose est une expérience « dégustative » de 5 ou 6 services @ 60$ la tête. Une ardoise noire liste tout simplement les ingrédients du jour, ce qui nous permet d'indiquer au chef ce qu'on aime et ce qu'on aime moins, et ce qui ne passe tout simplement pas si on est végétarien ou allergique. Une fois ces préliminaires accomplis, on peut se lancer les yeux fermés. 

N’est-ce pas déjà délicieusement confortable, de s’adonner aux joies de la paresse au point de ne même pas choisir ce qu’on veut manger au restaurant. Profitez-en, et laissez-vous prendre en charge par une équipe qui sait ce qu’elle fait.

Et tant qu’à vous prêter au jeu, je vous conseille fortement d’ajouter un 35$ pour l’accord mets et vins. La sommelière Tina An nous a fait découvrir des petites merveilles et savait s’ajuster à nos goûts personnels – moi qui aime les blancs tout en rondeurs et les rouges bien affirmés – elle propose, écoute, questionne, pour arriver à trouver ce qui sera parfaitement jouissif.

Dans l’assiette, je dois dire que l’équipe de cuisine menée par Hakim Rahal (ex- Laurie Raphaël, Garde Manger) et Pablo Rojas (ex- Le Petit Italien, Mercuri) a réussi à sublimer les ingrédients proposés. On sert les différentes compositions abstraites dans de grandes assiettes à partager, alors on choisit un convive avec lequel on est confortable. 

Les saveurs sont proposées toutes nues. C'est surtout le mariage des ingrédients – toujours d'une fraicheur et d'une qualité irréprochables – qui crée des bouchées inusitées. J'ai beaucoup aimé l'assiette de tomates, toute en fraicheur et bien balancée avec herbes fraîches et une langoureuse ricotta maison (photo plus haut).

Les asperges blanches servies avec poisson poêlé, agrumes et boutons de pissenlits marinés sont à la fois géniales et simplissimes.

Quelques redondances d'un service à l'autre, mais dans l'ensemble c'est un menu très bien construit. On passe des légumes frais au début aux saveurs de plus en plus complexes des gnocchis maison – un peu lourds mais parfaitement accompagnés de chips de rattes et de champignons poêlés. On enchaine sur une assiette d'agneau qu'on a dévorée avec enthousiasme avant de conclure sur un dessert sublime, à la fois crémeux, croquant, vif, et champ lexical oblige, cochon. 

Pour les célibataires, c’est une adresse tout indiquée pour une date mémorable. L’ambiance est festive – nous sommes à des lieues du décor de style « galerie d’art contemporain » du feu Van Horne qui a opéré ici durant de belles et bonnes années.

Parlant de décor, tout a été revu et revampé dans un style beaucoup plus brut et laissant place au bois naturel. Tout, sauf les toilettes. Il y a des restaurants qu’on visite pour la poutine au foie gras, d’autres pour la vue sur Montréal, et puis d’autres parce qu’on est curieux de voir cette fameuse toilette des civilisations lointaines. Ça doit nous venir de Tokyo ou d'Argentine ce machin-là, mais en gros c’est pas mal la Porsche des toilettes de restaurants. Oh, elle n'a l'air de rien, avec son petit look sage et puritain, dans son abondance de blanc. Mais assoyez-vous, et vous verrez. La lunette est carrément chauffante, et pour ceux qui oseront toucher les boutons de contrôle du véritable tableau de bord posté sur le mur, ça vous fait une expérience « clé-en-main » où le PQ est superflu.

La seule fausse note – qui en est une de taille je dois dire – est au niveau des quantités. Bon, c’est plutôt pour les estomacs mâles, parce que moi j’aurais pu m’accommoder de ces assiettes un peu frugales sans tomber dans le ridicule, comme vous pouvez voir sur les photos. Mais mon amoureux n’est pas un ogre, et c’est vrai qu’avoir faim après un repas 6 services et un bill de plus de 300$ – assez faim pour se claquer un burger sur le chemin du retour – ça finit mal la soirée. Je veux dire, je comprends que les ingrédients coûtent cher quand on ne prend que le meilleur, mais il y a plein de trucs pour rassasier ses convives et s’assurer qu’à la fin d’une expérience dégustative, ils soient heureux, et surtout repus.

Sans ça, c’est un peu un coït interrompu.
 

Provision 1268
1268, avenue Van Horne
514-508-0828
 

 Photos: Christine Plante
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