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Podz: le réalisateur sans concession n’a peur de rien

Il ne semble pas y avoir de sujets tabous, d’idées trop noires ou de genres télévisuels mal aimés pour Podz, le réalisateur. Sa feuille de route révèle son parcours tout-terrain, sa capacité de s’adapter aux situations. La preuve? Il réalise les séries jeunesse Vampire High et Big Wolf On Campus en anglais pour ensuite redessiner le paysage québécois du petit écran avec Les Bougon, C.A. et l’étincelant Minuit, le soir. En 2010, il signe également deux longs métrages, Les 7 jours du talion et 10 ½, qui se singularisent tous les deux par leur vision crue des hommes et de leurs failles intérieures. Pédophilie, revanche, viol,violence et abandon sont ici des sujets abordés sans détour. «Il y a déjà quelqu’un qui m’a dit que j’aurais été bon dans les années 30 et 40. Tu rentrais dans les bureaux des frères Warner et on t’envoyait sur un film de guerre pour ensuite enchaîner avec un film d’aventure. Je crois toutefois qu’à travers tous les projets que je fais, j’arrive à chaque fois à imposer ma vision des choses.»

Celui qui est né Daniel Grou dit vrai. Et Claude Legault, acteur fétiche de ses multiples aventures visuelles, confirme une façon de faire sans fioritures. «Podz, c’est de la cavalerie lourde. Il n’y a rien de léger ou de dépourvu de contenu.» Bien qu’il peine à trouver les mots justes, Podz convient qu’il s’agirait plus d’un esprit qu’un simple mouvement de caméra. «On m’a déjà dit que je filmais les gens seuls, dans les moments où ils sont confrontés à eux-mêmes, en solo ou en groupe. La peur de la solitude est au coeur de ce que je fais.»
 

La peur de soi
Drôle de paradoxe. Dans une ère où les gens n’ont jamais été aussi connectés, par le téléphone, le courriel et les réseaux sociaux, où les amis en ligne se comptent par centaine, la solitude n’a jamais été aussi pesante, les silences aussi meublés de pensées. Ironique aussi lorsqu’on pense que Podz se dit social et bien entouré et qu’il se présente en entrevue au Réservoir en compagnie de son ami et partenaire de travail Claude Legault. «J’ai vu du monde mourir, rapporte Podz. Et la fin, quoi que tu fasses, ça se termine seul dans ton lit avec la maladie. En fait, j’ai peur de la grande solitude, celle d’être tout seul dans le noir pour l’éternité. J’ai peur de la mort.»

 
Est-ce aussi cette frousse du vide qui amène Podz à enchaîner série après série, un film après l’autre? L’automne dernier, il était en France pour Xanadu, une série sur une famille qui oeuvre dans le milieu de la porno, qu’il a coécrite et réalisée, pour ensuite enchaîner avec 19-2 auprès de Réal Bossé et de Claude Legault, une histoire sur deux policiers pris avec leur démon. Et la magie s’opère encore une fois. Le bourreau de travail récolte les bons mots des médias, et la plupart du temps, l’attention du public. Pourtant, quand on parle de success avec Podz, un léger doute habite ses yeux. «Je n’ai pas encore d’Oscar», lance-t-il à la blague. Que ce soit sur 19-2, en ondes cet hiver à la télévision de Radio-Canada, ou pour le film 10 ½, Podz perçoit tout ce qu’il entreprend avec une lunette «cinéma». «C’est aussi pour ça que ça m’a pris tant de temps de choisir un scénario. Je cherchais quelque chose que j’aimais, qui me ressemblait. J’ai attendu la bonne histoire. J’ai des dettes envers le cinéma car c’est grâce aux films que j’ai eu le goût de ce métier.» Si au départ, l’histoire de Patrick Senécal était destinée à Robert Morin, Podz a fait sien ce roman. «On a tout de suite cliqué, Patrick et moi. On a le même genre d’idées, on partage un univers.»
 
 

Le goût des autres
Podz est de ces réalisateurs qui créent autour d’eux des familles, des clans tissés serrés de gens qui aiment travailler ensemble. Claude Legault en est la preuve, idem pour Senécal, dont il adapte actuellement le roman Le Vide pour le cinéma. Il y a également Fannie Mallette, Julie Perreault, le jeune Robert Naylor, tous dans 19-2, ainsi que plusieurs membres de son équipe technique qui sont au rendez-vous. «Quand tu rencontres quelqu’un avec qui ça clique, c’est certain que tu restes fidèle. Tu vois, en ayant peur d’être seul, je crée des familles un peu partout. J’aime rassembler le monde tout en reconnaissant l’individualité de chacun.» À la blague, Claude en rajoute. «Si Podz était à la tête du Canada, le mouvement souverainiste serait mort. Il aurait fédéré le Québec, juste pour te dire.»

Comme François Truffaut pour Jean-Pierre Léaud, Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio, Podz s’est entiché de Claude Legault au point où le comédien se trouve au centre de son oeuvre cinématographique. Les deux se rencontrent pour une première fois lors de Minuit, le soir. «Dès qu’il m’a vu, Podz m’a lancé que j’étais un peu petit pour un doorman. Je lui ai vite répondu que j’en avais dedans.» Podz admet que c’est les trois saisons consécutives de Minuit, le soir qui a scellé son envie de retravailler avec Legault, il y a déjà sept ans de cela. «Dans la vie, on commence seulement à être ami. C’était tellement intense, les tournages, que l’on se donnait une distance entre les projets. Mais aujourd’hui, on s’invite à souper.» Existe-t-il une saine distance à entretenir entre réalisateur et acteurs? Vu la nature intrusive et parfois manipulatrice du métier de réalisateur, Podz admet qu’il aime bien préserver l’intimité de chacun. «Surtout, il faut éviter de parler de la vie personnelle des acteurs quand on met en scène un personnage.»

Un tête-à-tête avec le réalisateur permet de constater que l’homme vit comme il raconte des histoires. Podz est direct, préfère questionner les gens sur leur vie de couple, et évite savamment les discussions sur la dernière bordée de neige. «Je n’aime pas les gens qui renient la vie, qui font l’autruche. La vie, elle n’est pas propre, elle est profondément sale en fait. Et si on veut refléter la vie au petit comme au grand écran, il faut être prêt à se salir. C’est là, dans cette laideur que réside la beauté de l’être humain.»

 

19-2 | Dès le mercredi 2 février | Radio-Canada
19-2.radio-canada.ca

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