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Owen Pallett: total magique

Il s’est passé quelque chose autour d’Owen Pallett ces dernières années. Le Prix Polaris qu’il s’est mérité en 2006 a contribué à le faire connaître autrement que comme le blondinet qui joue du violon pour Arcade Fire. Aujourd’hui, en plus de signer des arrangements de cordes pour les Grizzly Bear, Beirut et autres Last Shadow Puppets de ce monde, monsieur Final Fantasy se fait courtiser par Mika et par les Pet Shop Boys, dont il a décoré les chansons avec son sens aiguisé des orchestrations de cordes.

Cette ouverture, Owen la doit probablement à une approche nouvelle de la musique, qu’il évoque lui-même, perdu quelque part au beau milieu de la Virginie pendant la pause du Thanksgiving américain. «Jusqu’ici, j’avais toujours composé de la musique que je destinais à mes amis, à ma famille, à des gens que je côtoie à Montréal ou à Toronto, dans l’optique de m’adresser à un cercle rapproché. Je ne pensais pas à la réaction de quelqu’un qui m’écoute depuis Los Angeles par exemple. Je vais continuer à le faire encore, en lançant des EP plus confidentiels et des éditions limitées canadiennes de certains projets, mais j’ai pris conscience de tout ça, dernièrement, et avec ce troisième album, je souhaite rejoindre un auditoire plus vaste. Mais pas au sens commercial de l’affaire, on s’entend!»

Tromper l’oeil et l’oreille
Heartland est un projet ambitieux et polymorphe, qui existe à la fois comme album, comme pièce orchestrale d’une durée de 45 minutes, ou encore comme un recueil de chansons pouvant être reproduites en concert avec l’assistance d’un fidèle violon loopé. À la première écoute, l’album apparaît magnifique, mais foisonnant et très chargé. De nombreuses écoutes sont nécessaires avant de pouvoir s’en faire une idée claire, c’est voulu ainsi: «Je souhaitais arriver avec quelque chose de dense, de quasiment impénétrable, qu’on le ressente comme un nuage de fumée qui s’approche, éclate, puis passe.»

Derrière chaque étape de la conception, le musicien a mis beaucoup de soin et d’attention, en s’amusant à déjouer les perspectives. L’écriture des textes n’a pas été prise à la légère puisque «j’ai toujours estimé et apprécié les artistes qui arrivent avec des textes solides; je trouve cette étape souvent escamotée. Trop de groupes nous servent des paroles quelconques plaquées sur des musiques incroyables. Ceci dit, je ne me considère pas comme un grand écrivain Je suis qu’un gars qui lance des albums, mais qui n’a pas bâclé cette étape.»

Déballée de façon linéaire, l’histoire met en scène le personnage de Lewis, fermier ultra-violent(!) qui s’adresse à une déité suprême répondant au nom de Owen(!!) tout ça dans le royaume des spectres(!!!). Surprenant mais pas tant que ça venant d’un artiste qui portait le nom d’un jeu vidéo et dont le second album (He Poos Clouds) s’inspire de jeu Dungeons & Dragons Album-concept cette fois encore? «Oui, d’une certaine façon Je suis parti de l’idée que, quand Cat Stevens chante «Oh Baby it’s a wild world», on ne sait généralement pas qui est ce «Baby» à qui il s’adresse On ne connaît que le sujet de la chanson, pas son objet. Moi, j’ai choisi de me mettre non pas dans la posture du narrateur, de celui qui chante, mais plutôt dans celle de celui qui est célébré, l’objet de la quête en quelque sorte. Tu me suis toujours? C’est moins compliqué que ça en a l’air, c’est juste un jeu sur les points de vue.»

Derrière la composition des chansons aussi se cache un tour de passe-passe. Owen incarne, une fois de plus, les illusionnistes, puisque ces pièces enlevées, appuyées par l’Orchestre symphonique de Prague, trouvent leur origine dans l’observation attentive de la musique synthétique des années  80. «D’abord, j’en ai beaucoup écouté, de la première époque sous influence Silver Apples, en passant par Jean-Michel Jarre, Kraftwerk et Vangelis, jusqu’à Depeche Mode et Orchestral Manoeuvres in the Dark; la liste est longue.

Quelque chose s’est passé quand soudainement, les gens ont cessé de composer de la musique avec des synthés pour se tourner vers la musique numérique. C’est fou le nombre de hits qui furent composés par tous ces gens qui avaient toujours l’air de jouer complètement saouls sur des instruments délicats qui devaient être manipulés avec soin. Ça a généré un son à la fois étrange et intéressant. Donc, grosso modo, j’ai marqué les signaux de mes synthés analogiques (j’en possède quelques-uns) en essayant de comprendre comment on peut composer une chanson à partir de là. Ensuite, j’ai tenté de faire en sorte que l’orchestre émule tout ça.»

UN LABEL SUR MESURE

Pallett redistribue sa bonne fortune

Heartland sera lancé en sol canadien par l’étiquette Great Justice Records, fondée par Owen Pallett lui-même pour l’occasion. Ailleurs dans le monde, nulle autre que Domino aura le plaisir de répandre la bonne nouvelle. Pourquoi ne pas signer, tout simplement, avec Arts  &   Crafts, Secret City, Last Gang ou Paper Bag? «Ce sont tous d’excellents labels, mais après avoir discuté avec eux, je n’étais pas emballé par leurs plans de marketing pour moi

Une bonne part des subventions et du fric que reçoivent les maisons de disques sont dépensées pour des choses que je ne considère pas primordiales. J’y ai bien réfléchi et à la fin, il m’est apparu plus profitable d’employer une personne à temps plein (Dounia Mikou, de Blue  Skies Turn Black et Pop  Montréal) que de disperser les opérations entre une trentaine d’employés qui s’occupent chacun de sa petite affaire.»

Sa bourse de 20  000  dollars qui vient avec le Prix Polaris, Owen Pallett l’a généreusement redistribuée à d’autres. «J’en ai remis la moitié à des gens qui ont travaillé sur mon album. En musique, il y a cette tradition, que j’aime bien d’ailleurs, qui veut qu’on distribue des redevances aux gens qui ont contribué au projet. Je n’aime pas comment la Guilde des musiciens administre la chose.

Moi, quand je travaille avec des collaborateurs, je leur remets une partie de l’argent chaque fois que j’en récolte.» Et l’autre moitié du 20  000$? Je l’ai offerte à des artistes que j’aime.»

finalfantasyeternal.com

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