Aller au contenu
​Mal de pierres, un grand film qui tombe malheureusement à plat
Crédit: Photo courtoisie

NIGHTLIFE.CA était plus qu’heureux d’avoir le privilège d’assister au gala d’ouverture de la 22ème édition du festival de films francophones CINEMANIA, qui se déroule à Montréal du 3 au 13 novembre 2016. Cette année, le festival cinématographique a sélectionné la réalisatrice, scénariste et actrice française Nicole Garcia, à titre d’invitée d’honneur. Dans le cadre de la soirée de lancement, celle-ci présentait d’ailleurs en personne, son dernier long métrage intitulé Mal de Pierres (coscénarisé par Jacques Fieschi) et dans lequel Marion Cotillard tient le rôle principal, accompagné à l’écran de Louis Garrel et d’Àlex Brendemühl. C’est donc avec BEAUCOUP d’excitation et d’impatience que nous attendions cette projection, présentée notamment en compétition officielle, lors du dernier Festival de Cannes ….

Gabrielle
Plongés dans la Provence des années 50 et bercés par le chant de la cigale et la chaleur du soleil, les spectateurs font la rencontre de la fougueuse, sauvage et très sensuelle Gabrielle (sublime et talentueuse Marion Cotillard). Issue d’une famille agricole bourgeoise et plutôt conservatrice, la jeune femme se dévoile en quête d’amour constante et ultime. Se nourrissant de lectures passionnelles et d’expériences sensorielles érotiques, Gabrielle détonne au milieu de ces cultivateurs de lavande et n’a rien de la «fille bonne à marier». Son désir fou d’amour, cette recherche personnelle et spirituelle de la «chose principale», son besoin vibrant de la rencontre humaine, son excentricité et ses «crises de nerfs» dérangent et bousculent les rigides carcans familiaux.

Prêts à tout pour tenir les rangs et l’image de la lignée, ses parents menacent d’enfermer leur propre enfant, si celle-ci s’oppose au mariage arrangé avec José (Àlex Brendemühl), l’un des travailleurs saisonniers catalans de la ferme. Devant ce qui semble se révéler «la meilleure solution à bien des problèmes», les deux protagonistes démunis, Gabrielle et José, ne voient d’autres choix que de laisser libre cours aux desseins familiaux. On soupçonne cependant José d’être secrètement très amoureux de celle qui deviendra sa femme, mais très peu loquace et démonstratif, il n’en soufflera pas mot.

S’en suit donc la relation matrimoniale peu sulfureuse entre deux étrangers forcés de s’aimer et de co-habiter quotidiennement. Gabrielle, errante et absente, innocente, impuissante et en incohérence totale entre ses désirs et son destin, se terre dans son monde, isolée dans sa chambre et dans sa tête. Jusqu’au jour où, souffrante de calculs rénaux, du «mal de pierres» (tiens, tiens!), celle dernière devra suivre une cure thermale thérapeutique de six semaines dans un établissement de soins situé au cœur des montagnes suisses…

La rencontre
C’est alors que Gabrielle fera la rencontre d'André Sauvage, jeune lieutenant ténébreux blessé dans la guerre d’Indochine, souffrant d’une bactérie contractée au front et qui se sait condamné. Dès le premier regard porté sur cet homme, le cœur de Gabrielle chavire et la tempête de l'amour l’enveloppe. S’engage ainsi une relation passionnelle entre les deux jeunes gens, dans laquelle Gabrielle se délie enfin, se délecte, savourant du bout de la langue chaque parcelle de la peau de son aimé et flottant dans la douce brume des vapeurs d’eaux qui la guérissent et de celles de l’amour qui l’envoûtent. Quoi des bains ou des lits partagés avec son doux amant guérira son «mal de pierres»? On ne vous en dit pas davantage.

Dans des scènes superbement filmées, dans des douceurs amoureuses que seuls les vrais amours déclenchent (et que seuls les grands acteurs comme Cotillard et Garrel parviennent à reproduire), dans les grands yeux gris tempête de la magnifique Gabrielle et dans les effluves mélancoliques de son bel amant translucide de maladie et lumineux d’amour à la fois, Nicole Garcia raconte et présente ce qu’il y a de plus beau dans l’amour et l’exprime avec soin. Campées dans un décor des années 50 reconstruit à la perfection, déclinées dans une palette de couleurs justement équilibrées de gris, de vieux roses, de beiges, de blancs, de kakis et dans des plans parfaitement choisis, découpés et étudiés, les images sont autant délectables pour les yeux que pour le cœur, le tout porté divinement bien par une délicate musique de Tchaikovsky. On y croit, on y vogue, on se laisse bercer par la fine mélodie.

Fin en queue de poisson
Mais pourquoi donc ce revirement final en queue de poisson et ce dénouement tiré par les cheveux (sans rien ne vouloir vous dévoiler) ? Comment croire à ce mari qui décide finalement de parler? Comment être convaincus par tous ces douteux hasards qui mènent le spectateur vers la vérité? Malheureusement, on n’y croit plus et on décroche. Pourquoi cette métaphore mièvre et mielleuse qui nous semble si facile et si simple, du cœur-de-pierre-«mal-de-pierre» délivré par l’amour? Et pourquoi cette phrase finale du film si gnan-gnan devant le village de son mari: «c’est laquelle ta maison?». Doit-on vraiment y décoder une parole d’amour et d’engagement de Gabrielle, finalement sortie de sa propre illusion et qui comprend qui est le véritable amour de sa vie ? Pourquoi tant de qualité, de sensibilité, de perfection humaine et imagée, pour en arriver-là? Mal de pierres, un film qui possède toutes les caractéristiques d’un grand film, mais qui tombe malheureusement à plat. Dommage.
 
 
Mal de pierres
À l’affiche au Québec dès le 4 novembre

Plus de contenu