Aller au contenu
Javelin: mission impossible?

La musique à base d’échantillonnages, ça peut donner des disques enlevants. Ça peut aussi donner d’excellents concerts dans de tout petits endroits pourvus d’excellents systèmes de son. Passez à des salles d’un peu plus grande envergure, cependant, et tout l’impact peut disparaître subitement.

C’est malheureusement un peu ce qui a semblé se produire avec Javelin, qui s’arrêtait à la Sala Rossa, jeudi dernier. No Más, l’album du tandem new-yorkais, compte assurément parmi les meilleures parutions de 2010. Ses mélodies sont excellentes, ses arrangements, inventifs et le duo passe à travers une gamme étonnante de genres musicaux comme Carrie Bradshaw change de souliers. La recette n’est pas banale: les samples proviennent exclusivement d’albums vendus à rabais. Parfois, ils sont réinterprétés par le groupe en studio, d’autres fois non. Pas possible, en fin de compte, de faire la différence, ce qui laisse à No Más, une agréable parfum de mystère.

Chose certaine, la réinterprétation intégrale des arrangements est impossible, sur scène. Tom Van Buskirk et George Langford (qui sont aussi cousins) optent donc pour un mélange basique d’éléments préenregistrés et d’ajouts live. Langford à la batterie électronique, Van Buskirk au chant, chacun entouré de quelques synthés et samplers additionnels, auxquels ils touchent somme toute rarement.

Côté dynamisme, pas de problème: les deux sont animés, occupés, chaleureux. Entre les pièces, Van Buskirk prend le temps d’expliquer l’histoire de certains morceaux, de s’excuser pour sa méconnaissance du français… Durant les chansons, il lui arrive aussi de rajouter quelques vers tirés de classiques bien connus… «Sabotage» des Beastie Boys, par exemple, ou encore «I Feel for you» de Chaka Khan. Comique. D’autre part, tandis qu’il chante bien et juste, Van Buskirk garde une attitude réservée, l’air d’être plus préoccupé par le bon fonctionnement de ses joujoux que par le devoir de donner un bon show. Un côté appliqué et minutieux assez charmant.

Déséquilibre
C’est au niveau sonore que l’exercice se passe moins bien. Tout ce qui est préenregistré passe à l’arrière-plan, laissant systématiquement le premier rang aux percussions électroniques de Langford et au chant de Van Buskirk. On perd donc la majeure partie des habiles courtepointes sonores qui font le charme de Javelin. Il y avait de quoi être curieux, aussi, du rôle des fameux «boomboxes» que le groupe traîne avec lui. Six antiques radiocassettes empilés au centre de la scène, au travers desquels sont diffusées les portions préenregistrées, via ondes radio. La différence? Inaudible, en fin de compte. Ceux-ci n’amènent aucune texture ni teinte sonore particulière.

Tout au long du concert, je pensais à l’évolution du défunt duo torontois Thunderheist. Lors de ses premiers concerts au Zoobizarre, Thunderheist pouvait compter sur un véritable mur de brique sonore, calibré sur mesure pour les planchers de danse étroits. Dès qu’il est passé aux plus grandes salles, toutefois, le mélange a perdu en efficacité. Lors de sa dernière visite au Club Soda, à l’été 2009, le duo avait habilement résolu le problème: un batteur live avait été rajouté et les trames avaient été remixées pour mieux prendre vie dans d’aussi grandes enceintes. Une basse plus forte par çi, une boucle moins forte par-là… Le tour était joué!

Voilà l’étape qu’il reste à franchir à Javelin: recalibrer sa recette, revoir ses quantités pour que sa musique puisse conserver sur scène son côté tridimensionnel.

En première partie, le quatuor féminin californien Warpaint a livré un mélange de shoegaze et d’influences de la côte ouest (Sleater-Kinney et cie) inspiré, austère et pas vilain, mais un peu redondant, fait de compositions souvent sommaires.

 

Plus de contenu