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«Eesti: Myths and Machines» à l’Usine C: solo hallucinant à voir absolument

Rarement voit-on le corps d’un danseur parler autant que celui de Peter Trosztmer. Dans Eesti : Myths and Machines, présenté par Tangente, un hallucinant solo d’une durée d'une heure, le chorégraphe et interprète nous entraîne, certes par sa parole, mais surtout par ses mouvements, dans un récit à la fois lumineux et bouleversant.  

«Ceci est l'histoire qui raconte l'arrivée de ma famille au Canada…», commence-t-il par dire au public. Puis, il se ravise: «Ceci n’a rien à voir avec l’arrivée de ma famille au Canada».

Entrecoupé de bribes de dialogues, comme cette marrante anecdote, livrée dans un anglais volontairement cassé, sur un junkie qui décide de se soulager sous un arbre, Peter retrace l’histoire de sa famille estonienne, racontant par flashs les exploits héroïques et tragiques de son grand-père, Isa, ou ceux de son grand-oncle, Nicolas… Tout cela avec esprit, rythme et sensibilité.

 

L’immigration est parfois un sujet lourd et pessimiste, pourtant ici, l’émotion est pure et la sincérité, absolue. D’un charisme fou, cet interprète redoutable qu’est Peter entraîne le spectateur dans son univers fait de mécanismes inventifs, telle cette sculpture qui trône au centre de la pièce. Une sculpture signée par l’artiste Jeremy Gordaneer, sur laquelle Peter monte, sous laquelle il se cache ou sur laquelle il jette des pelures de mandarines, geste qui fait naître des notes de musique singulières, perçantes.

Au coeur de son monde fait de mythes et de machines, créé avec l'aide de l'assistante Thea Patterson, le corps du danseur devient lui-même une véritable machine. Tandis qu’il parle de ses ancêtres fuyant une Estonie envahie par les Russes, il fait la planche sur le sol et ses épaules se mettent à monter et à descendre, mouvement qui rappelle le mécanisme d’un train filant à toute allure. Impressionnant.

Tantôt le haut du corps coincé dans une chemise marine remontée sur son visage, tantôt une jambe recroquevillée et rattachée par du ruban adhésif, Peter traverse les soubresauts de l’Histoire en même temps que ses prédécesseurs. Son corps, d’une flexibilité élastique, possède également quelque chose de métallique, d'incassable, de fascinant.

Lorsqu’en voix off, une voix de femme, à savoir celle de sa mère, annonce que ça y est, ils sont partis du pays, laissant derrière eux d’autres membres de la famille, Peter fait le grand écart, symbole du déchirement entre les deux continents… Tout au long du spectacle, l’accompagnement sonore de Jean-Sébastien Durocher, nous plonge entièrement dans cette ambiance faite de fuites, d'adieux, de départs.

C’est à la fois triste, drôle et touchant. C’est surtout, et sans contredit, un show à voir absolument.

 

Eesti : Myths and Machines
Le 24, 25, 26 novembre à 18h Le 27 novembre à 16h
Présenté par Tangente à l'Usine C 
1345, ave. Lalonde tangente.qc.ca

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