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Curling: porter la moustache par un froid d’hiver
Au printemps dernier, Denis Côté tournait Curling dans une salle de quilles, à la station du métro de l’Église, dans Verdun. Une amie et moi avions prétexté faire une entrevue (inventée) qui ne sera jamais publiée; seul prétexte valable pour rencontrer un cinéaste québécois d’exception. Denis Côté parlait de son film comme étant un objet qui serait plus accessible au public que ses précédents, d’une œuvre qui traiterait de la complexité d’une relation entre un père et sa fille. Curling est en effet son film le plus grand public qui traite d’une relation père-fille et espérons que le public s’y intéresse.
 

Jean-François Sauvageau (Emmanuel Bilodeau), père protecteur de Julyvonne (Philomène Bilodeau, aussi fille du comédien) est un homme insécure, facilement déstabilisé par les éléments extérieurs à son petit monde. Les deux vivent à la campagne dans un lieu où les contacts humains se font rares. Lui travaille dans un salon de quilles et fait le ménage des chambres d’un motel miteux.  Tandis qu’elle ne va pas à l’école et passe son temps à attendre son père à la maison, espérant un contact avec l’extérieur.
 

Propre au cinéma de Côté, il y aura des morts: des corps trouvés sans vie sous la neige, une chambre d’hôtel souillée de sang, un enfant happé oublié sur le bord d’une route… Les éléments extérieurs affectent lourdement l’intérieur des personnages qui s’enferment dans leur silence. On parle beaucoup, mais souvent pour éviter de parler de la vérité, « des vraies affaires ». Dans ces dialogues (parfois un peu trop appuyés), le silence devient un élément qui pèse, à travers son remplissage, pour en faire émerger un certain malaise de vivre. 
 

Jean-François se fait inviter par sa boss du motel, Odile (Muriel Dutil, actrice trop rare au cinéma), à participer à une partie de curling. Il s’y rend et regarde. Il s’empêche, malgré son envie, d’y participer. On nous explique entre temps les règles du curling et le tout se transforme en une sorte de métaphore inutilement surexplicative. 
 

Tout au long de la progression du récit, l’impression d’éloignement entre le père et sa fille fera émerger un rapprochement encore plus fort. Beaucoup de personnages croisent l’univers fermé des deux protagonistes et à quelques reprises, on aurait aimé un plus grand approfondissement de leur caractère. N’en reste que Curling est un film à voir pour sa beauté (voir les scènes d’écoutes musicales à la maison), sa lourdeur et surtout pour comprendre le pourquoi de ce Léopard d’argent de la meilleur réalisation et ce prix de l’interprétation masculine d’Emmanuel Bilodeau, grandement mérités en août dernier au Festival du Film de Locarno.

Curling | facebook.com/curlingfilm

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