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Charles-Antoine Crête: la vie après la toque
Crédit: Dominique Malaterre

Tous les mois, notre journaliste Christine Plante rencontre une personnalité du monde gastronomique. En janvier, cap sur Charles-Antoine Crête, ex-chef de cuisine du Toqué!
 

Photo Dominique Malaterre, Toqué ! Les artisans d’une gastronomie québécoise, les éditions du passage
 

La nouvelle est tombée au début du mois de décembre. Charles-Antoine Crête, chef de cuisine de l’illustre Toqué! et de sa petite sœur la Brasserie T!, vieux complice de Normand Laprise, à peine sorti d’un projet de livre qui a goulûment englouti deux années de sa vie, loyal depuis près de 14 ans…
 
Charles-Antoine Crête a rendu son tablier.
 
Oh, vous vous doutez bien que c’est pas pour aller jouer à la PS4 dans un demi sous-sol en mangeant des Cheetos. Ben non. Au cours des prochains mois, plein de projets sont en branle. Il y a le tournage de À table avec l’ennemi, une série documentaire où la cuisine est un prétexte pour découvrir des zones de conflit comme la bande de Gaza, Bogota, l’Afghanistan ou le Rwanda… Il y a ses amis [Richard Holder et Olivier Farley, du Waverly Bar] qui ouvraient un resto-bar rue Saint-Laurent, et qui avaient besoin d’un coup de main pour élaborer le menu, former le personnel et mettre la cuisine en place (je vous en reparlerai certainement, ça ouvre dans pas longtemps)… Il y a ce projet de rendre accessible la viande sauvage dans une demi-douzaine de restaurants de Montréal…
 
Quand j’ai rencontré Charles-Antoine dans un petit coin du Réservoir, tout fraîchement débarqué de Gaza, il m’a parlé longuement et ardemment de sa démarche, qui ressemble en tous points à celle d’un artiste. Avec ses grands yeux verts à la fois rieurs, arrogants, allumés et brillants de folie créative, on a bien hâte de voir où il atterrira, maintenant qu’il vole de ses propres ailes. Un resto, c’est certain. Un resto où il pourra véritablement propulser sa propre identité culinaire.
 
Tu sais il aura l’air de quoi ton resto ?
 
Sa réponse est décousue. « Les gens vont venir manger, pis ça va être bon ». 

Mais encore… « Il y aura des horloges et des fish tanks parce que j’adore ça les fish tanks. Il y aura des orchidées comme chez ma mère. Dans la salle, je veux un grand bar en érable qui trône au centre de l’espace. Et je veux qu’il y ait du mouvement. Je veux que les gens bougent dans le restaurant, un petit coin où prendre l’apéro en arrivant, et un lounge où aller chiller après, pour digérer… Mais j’attends que Cheryl revienne [douce Cheryl, sa muse, complice, associée, coloc et soeur spirituelle qui rentrera bientôt de Thaïlande] pour qu’on fasse ça ensemble… »
 
Et la cuisine ?
 
Ce sera une continuité de ce qu’il a déjà défriché au Toqué !. Sa signature s'inspire de ses racines. Issu d’une famille humble, qui avait le don de réutiliser, de patenter, de gosser à partir de ce qu’il y a dans « la boîte à bois », il a développé une approche à l’aliment tout aussi centrée sur le bidouillage. Et soucieuse de le respecter, aussi.
 
« Je veux être assez sensible pour utiliser l’ingrédient au complet, et assez créatif pour en faire quelque chose d’exceptionnel. »

C'est ainsi qu'il propose un caramel de homard fait à partir des têtes, une crème de peaux de patates, de la graisse de légumes, de l'eau de queues de fraises. "Cooking From Scraps", ou comme il dit en bon québécois, « cuisiner les mardes ». Il ne s'en sort pas trop mal. 

Photo Hans Laurendeau, Shoot Studio, restaurant-toque.com

Des assiettes qui rappellent Pollock ou Riopelle et qui ont toutes leur petite histoire. 
 
Photo Dominique Malaterre, Toqué ! Les artisans d’une gastronomie québécoise, les éditions du passage
 

Est-ce qu’il a trouvé sa voie ? Est-ce que son identité va inspirer toute une colonie de jeunes apprentis comme l’ont fait les Martin Picard, les Dave Mc Millan, les Fred Morin et les Normand Laprise ?
 
Ça reste à voir.

En tous cas, tout ça nous a creusé l’appétit.