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Billet d’humeur: pourquoi je me passerais bien du sapin de Noël cette année

Notre stagiaire Paul avait envie de s'attaquer à un sujet épineux… 

Je ne voudrais pas qu’on me taxe de rabat-joie, mais je n’ai jamais trop compris ce rituel impérissable, en période des Fêtes, qui consiste à travestir un conifère qui n’a rien demandé avec des boules et des guirlandes pour ensuite le regarder dépérir à petit feu sous notre regard imbibé de bulles, de vide et de liquides festifs.
 
Sujet épineux : le sapin de Noël serait-il un objet du folklore? «Oui», affirme ma chef de pupitre, catégorique. Mais l’humanité est en débat. Il y a ceux qui sont pour, et ceux qui sont contre. Pour ma part, je suis contre tout ce qui a des épines.
 
Rite païen, totems
 
Sans vouloir offenser les marchands de sapins, il faut se rendre à l'évidence : ils commencent sérieusement à nous engluer. Pantelants d’admiration pour tout ce qui vient d’Allemagne, les occidentaux n’imaginent plus s’enfiler leurs tartines hivernales de foie gras sans s’exhiber les paillettes devant un conifère inerte, planté là, esseulé, dans son pathétique déguisement. 

Quant au Père Noël, bon. Qui l'aura vu déposer un cadeau sous nos conifères me jette la première pierre. On sait quand même depuis des lustres que la probabilité d’existence du vieux barbu avoisine l’altitude zéro. Irrécupérable, il a d’ailleurs vendu son âme et sa pilosité pour jouer l’égérie d’une certaine marque de soude industrielle

Une fois n'est pas coutume, personne n’est sans savoir que Noël est un héritage païen — ou alors, tout le monde a oublié. Le Père Noël n'est qu'un vieux rebut païen qu'on sanctifie par habitude. Le sapin, une sorte de totem traditionnel, sous lequel on vient, idolâtres, déposer de petits paquets multicolores. On l’assume comme on assume religieusement le petit côté néo-païen qui vient avec. (Consumériste de surcroît.) 
 
Ecolo-vintage

Pas que je tienne à spécialement jouer les militants écolos effarouchés, au reste, mais je m’interroge sur l’humanité qu’il y a derrière l’insémination de sapins par élevages entiers dans des sapinières. Produits à l’industrie lourde, suivant tout un rituel de décapitation, ils sont plantés comme des tomates et, après leur avoir donné becquée, les avoir équarri à la cisaille, le temps venu, douze ans plus tard, on les ampute au bas du tronc comme des abats, au nom d’une épaisse tradition pagano-christique.

En termes de pollution urbaine ("guide de la vie urbaine", on vous dit), ça vaut aussi son poids (après, certes, l'écologie sapinière fait scier tout le monde). Car une fois la ferveur essoufflée, généralement au courant de janvier, les sapins sont abandonnés à même les trottoirs, s’empilant comme des déchets stériles et sans grâce le long des rues, au détriment des éboueurs qui n’ont rien demandé non plus et qui manquent d’espace pour toutes ces épines dans leur corbillard camion-poubelle funeste.

C'est terrifiant.

Quatre siècles et demi qu’on se triture les guirlandes pour ornementer nos conifères décapités. Alors qu’il existe des manières de faire bien plus vintage, comme le démontrent judicieusement nos copains de laitfraisemag.fr, source d’inspiration de tous les instants.

Pensez-y. Devrons-nous encore longtemps supporter ces décapitations stériles ?

Cela dit, je prévois quand même d’acheter un sapin bien en sève pour faire plaisir à ma blonde.