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« Amour et information » à La Licorne: une proposition atypique qui interpelle
Crédit: Bruno Guérin

La proposition interpelle. La vénérable Caryl Churchill – qui a déjà vécu à Montréal il y a fort longtemps – a écrit « Love and information » en 2012, avec plus de cinquante ans de métier dans le corps. Elle a, comme souvent, refusé l’idée d’une structure classique au profit d’une succession d’une cinquantaine de scènes, rassemblées par thématiques, et déclinées en sept chapitres.
 
Il y a neuf acteurs sur scène, parfois en même temps, souvent en rotation. Il y a beaucoup de disputes, des secrets, des confessions, un peu de science et beaucoup de phobies. Un rêve lourd de signification à propos de l’infidélité d’un couple s’avère prémonitoire. Un jeune homme qui n’a jamais connu le peur connaît un sort funeste. Des poussins radioactifs nous révèlent des données surprenantes sur la façon dont sont vécues les émotions par les neuronnes.
 
Il serait inutile de donner des noms aux personnages, car bien que certains reviennent à quelques reprises pendant les sketches, qui durent de quelques secondes à quelques minutes, ils sont presque interchangeables. Et à ce niveau, on peut dire que les neuf comédiens sont d’une étonnante polyvalence, passant d’un registre à l’autre, s’adaptant rapidement aux nouvelles circonstances, se trouvant sans cesse en mouvement, en train de se déplacer ou de réaménager la scène.
 
La mise en scène de Frédéric Blanchette est à ce titre précise, rôdée au quart de tour, tirant un maximum d’effets d’un minimum d’artifices. Le prolifique metteur en scène (dont on a récemment pu voir le travail chez Duceppe et à Espace Libre, et qui sera dès la semaine prochaine au Rideau Vert avec Trahison) a le sens du rythme, c’est établi, et c’est lui-même qui s’est chargé de traduire ce texte foisonnant.

 * Crédit photo: Bruno Guérin

La théorie selon laquelle les humains sont composés d’amour et d’information est intéressante, et surtout propice à exhiber de sympathiques moments où l’humour nous surprend au détour. Lors d’une discussion entre une croyante qui prétend que Dieu lui parle, et son amie curieuse, par exemple; ou encore quand un couple se dispute car l’homme ne veut pas aller discuter de mathématiques pour une énième fois chez des amis, pour souper.
 
On saluera ici Mathieu Gosselin, qui est particulièrement frappant dans chaque scène où il apparaît, décidément l’un des noyaux durs de ces atomes qui convergent l’un vers l’autre lors du prologue de la pièce. Sébastien Dodge, qu’on a pu voir en février dans Jean dit, dispose lui aussi d’une large panoplie de personnages réjouissants.
 
Les fausses notes sont rares, autant dans l’interprétation que dans ce texte coup-de-poing qui ne ressemble à rien, qui nous propose tacitement de tirer nos propres conclusions à propos de la multitude de sujets qu’il aborde, et qui nous laisse pantois devant le large éventail d’opinions proposées. Le rire et la réflexion s’y côtoient harmonieusement, et cet enchaînement étourdissant et dense de scénettes aurait pu s’avérer quelque peu indigeste dans d’autres mains, mais devient chez La Banquette Arrière une gracieuse expérience dont on sort complétement charmé.

AMOUR ET INFORMATION 
Jusqu'au 22 mai 2018
 

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