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10 ans, 10 shooters : Le Piknic Électronik en 10 confessions candides
Ne nous leurrons pas – ce qui nous reste de médias montréalais intéressés par la musique électronique se sont tous déjà penchés, avec mélancolie et tendresse, sur la fin de la 10e saison du Piknic Électronik. Quand j’ai contacté Michel Quintal, co-fondateur et directeur de la programmation du Piknic, afin d’organiser cette entrevue, il m’a avoué être un peu blasé de la formule, et vouloir essayer quelque chose d’inédit. « Ça me dérange pas de la faire, ton entrevue, mais faut qu’on soit saouls et qu’on ait du fun. Dix confessions en dix shooters, ça te tente tu ? ».

Après une décennie, je plains les gens qui n’ont jamais entendu parler de l’événement. Ne jamais y être allé est devenu une anomalie culturelle dans mon entourage. Une excentricité. Un certain refus de se faire plaisir et de vivre son époque pleinement.

Le Piknic n’a donc pas vraiment besoin de présentation ou de mise en contexte. Et c’est muni de quelques bouteilles de Boréal et d’un magnum de Jägermeister, au beau milieu du célèbre salon de Quintal, que nous sommes entrés dans le vif du sujet. Voici quelques extraits d’un long monologue parfois décousu, souvent brutal et honnête, et 100% amusant.

 


Toma Iczkovits / Nightlife.ca

1. Les mutations de la crowd
« En dix ans, on a eu un lot incroyable de rêves et de désirs, mais aussi de déceptions. On a fait notre deuil de certaines idées. En 2009, on a atteint le seuil critique; même si la musique est demeurée relativement underground, on s’est mis à rejoindre des gens qui venaient pour les mauvaises raisons. Il y avait une quantité de douchebags qui, personnellement, me faisaient réellement chier. Aujourd’hui, je ne vois pas ça de la même façon. Le mélange est sain, hipsters, familles, douchebags, c’est ce qui fait la différence entre un bar et le Piknic. Il n’y a pas d’homogénéité chez nous. »

 

2. L’émergence de la house
« Depuis 2-3 ans, la house revient en force, mais on l’a vraiment senti cet été. La house de qualité est vraiment revenue. On le voit chez MUTEK, et on le voit chez nous. J’ai moi-même toujours détesté la house vocale, mais la nouvelle vague m’a vraiment interpellée et touchée, et j’aime beaucoup ça. C’est cependant pas une raison pour m’envoyer un démo pour l’an prochain, par contre, si vous faites dans la house vocale. »

 

3. L’esprit d’entreprise
« Au départ, on travaillait entre boys. C’est certain qu’après dix ans et une telle expansion, il y a maintenant des gens de toutes sortes d’univers différents qui travaillent avec nous, mais on a pas mal tous quelque chose en commun. Il y a une excellente dynamique dans l’équipe, et c’est un des points au sujet duquel je suis le plus fier. Maintenant qu’on a près de 350 employés, je ne me souviens pas du nom de tout le monde, mais je me souviens au moins de celui des plus cutes ! »

 

4. L’émergence de la scène Guru
« Tu feras ça comme tu veux, en autant que j’approuve… au final, je suis pas trop demandant. Mais si tu veux respecter ton sujet de base… va falloir focuser. Ça fait plusieurs années que la deuxième scène existe, mais cette année, c’est vraiment devenu un « must ». Les gens les plus cool se rendaient là. Des nouveaux trucs se passaient. Y’a comme une ambiance spéciale qui me rappelle les premiers Piknic. Dans mon top 5 des meilleurs sets de l’année, je pense à Moody Jones, à Nymra & Sofisticated – ambiance hallucinante… Les gens ont fini par s’approprier la scène et les « vieux de la vieille » l’ont adoptée… et des « crowds » plus jeunes, ce qui faisait vraiment un beau mélange. Et ça me ramène à la base, à pourquoi on a créé le Piknic. »

 


5. Pillowtalk

« C’est un trio de San Francisco que j’ai découvert à Miami, pendant le WMC. J’ai dû les voir cinq fois en une semaine, et au début je détestais ça. Ils étaient assez inexpérimentés, mais plus la semaine avançait, plus ils prenaient de l’assurance. Le dernier show que j’ai vu – bon, j’étais scrap – était vraiment bon… J’ai eu l’impression d’avoir vécu la transformation d’une chenille en papillon. Ma chanson de l’été est « Street Walker ». Cette nouvelle tendance, dans la house, de chanter, ben moé j’aime ça. »

 

6. Les employés du Piknic
« C’est sûr que quand on est à la tête d’une entreprise comme le Piknic, qui emploie de jolis jeunes gens, les rumeurs peuvent s’amplifier facilement. Mais j’te le dis tout de suite : j’ai couché avec personne du bureau. Côté employés saisonniers, par contre, le bilan est moins léger, et mes trois dernières blondes étaient des employées. Mais comme j’ai été en couple pas mal ces dernières années, des employés masculins que je ne nommerai pas ont fracassé mon record… On a quand même tendance à engager des gens cutes et faciles, tsé. Mais finalement, les rumeurs sont câlissement exagérées. »

 


7. Pierre de Lux

« Laisse-moi te dire que j’ai rarement vu un gars content comme ça. Il avait le sourire fendu jusqu’aux oreilles pendant deux heures. J’pense que ça faisait longtemps qu’il voulait jouer au Piknic, à ce que j’ai cru comprendre… Et c’était bon ! J’ai vraiment apprécié le fait qu’il a compris ce qu’était un set d’ouverture, contrairement à certains autres DJs locaux qu’on a bookés au fil des ans. Probablement qu’il aurait aimé torcher plus que ça, mais il a compris le mandat, qui est un peu comme faire une passe au hockey : c’est pas toi qu’on félicite et que les matantes applaudissent dans les estrades, mais les connaisseurs comprennent que tu l’as, l’affaire. Pis Pierre de Lux, il l’a, l’affaire. Il a été un de mes coups de cœur, entre autres pour cette raison. »

8. Le Piknic à Barcelone
« As-tu fini ta bière ? Pogne donc l’autre bouteille de Jäger dans le congélateur. Bon je disais quoi moi ? Ah oui, Barcelone ! Loïc (Le Joliff, en charge de la programmation) a fait une très belle job; il a compris l’essence du Piknic dans ses choix de bookings, même s’il a joué très « safe ». On a des journées très risquées à Montréal, avec des artistes moins évidents qui attirent un public moins vaste, et ce ne fut pas vraiment le cas là-bas. Remarque, je suis pas en train de me plaindre, là… À Barcelone donc, c’est pas comme à Québec : y’a du monde, et ils aiment ça. On est vraiment contents de s’être implantés dans une ville aussi prestigieuse qui accueille de gros événements tels que Sonar… »

 

9. Les « Piknic satellites » au Québec
« Je diffère de mes comparses à ce sujet, mais je ne crois pas du tout à la viabilité de l’événement dans une ville comme Québec. Une fois par an, je dis pas, et si on donnait dans le heavy metal, peut-être, mais dans les conditions actuelles, étant donné qu’il n’existe pas vraiment de « scène » dans ces villes (on parle aussi de Gatineau), il est très difficile d’en faire des événements réguliers. Ça nous a cependant amené à nous poser énormément de questions sur ce qui est essentiel dans « l’expérience Piknic », et on en a conclu que c’est comme un « gag reflex » pour ces villes qui n’ont, à la base, pas vraiment de culture musicale électronique. Et au-delà du manque de culture, il y a aussi une question, plus importante je crois, de bassin de population – les villes sont carrément trop petites pour supporter un événement comme le nôtre sur une base régulière. »


10. Nina Kraviz
« C’est vraiment plate ce que je vais dire là, mais j’avais peur. Nina est sexy, elle est cute, les gens l’aiment, mais je l’ai vu à Miami vider une salle de 400 personnes en quatre minutes. Dans le genre inapproprié et inintéressant, on fait rarement mieux. Finalement, j’ai été soulagé. Elle a joué plein de classiques techno, elle a « feelé » ce qui se passait, et elle est partie sur un trip. Il y avait une énergie que je trouvais parfaite pour le Piknic. Un mélange de zone de confort et de « c’est quoi cette ostie de toune là?! ». Parce qu’on a beau dire que l’événement en tant que tel est devenu « mainstream », mais la musique ne l’est vraiment pas. »

piknicelectronik.com

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