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Sugar Sammy: l’humoriste montréalais poursuit sa conquête planétaire sans jamais faire dans la demi-mesure

C’est l’histoire d’un Montréalais d’origine indienne nommé Samir Khullar. Jusque-là, rien de nouveau sous le soleil. Rendez-vous à 17 h au resto Le Boucan, dans l’ouest de la ville. Et non, l’Indien en question ne travaille pas en cuisine, comme une certaine photo pourrait le laisser suggérer… Première arrivée, je grimpe sur une banquette rouge et entends les intimes des lieux chuchoter : «Sugar Sammy’s comin’ today.» Une entrée remarquée, quelques Hey dude! et poignées de main plus tard, il s’avance et dit : «Je suis Sugar Sammy, merci de me recevoir. C’est pour quel magazine déjà ?»

 

L’HOSTIE DE VOTE ETHNIQUE
Pour comprendre l’humoriste Sugar Sammy, un détour par le Québec des années 90 est obligatoire. Cette époque politiquement chargée rappelle le référendum de 95, Parizeau… bref, autant de souvenirs grandioses que les souverainistes préfèrent enterrer profond dans leur hippocampe. Le lecteur en toi devait encore être un enfant hagard dans ce temps-là. Alors, imagine observer le phénomène avec un bagage culturel de l’autre bout du monde… il y a là du matériel à jokes monsieur, oh que oui !

Digne d’une Sponge Towel (wait, non, ça c’est François Massicotte), Sugar Sammy a absorbé les influences environnantes et a fait du Québec le cobaye de ses expériences humoristiques. Pour celui qui considère son Côte-des-Neiges natal comme la base de ce qu’il est devenu, l’humour se passe avant tout dans les différences. Et à ce niveau, le Punjabi d’origine est allé à bonne école. Saint-Kevin pour être exact. Nostalgique, il repense au hood et aux parties de hockey cosom contre l’école rivale, Saint-Pascal : «Pour l’équivalent des années 80, eux c’était les Oilers avec Gretzky, pis nous autres, on était les Canadiens.» 

Déjà au secondaire, il prenait des airs d’humoriste, animait les spectacles de fin d’année et faisait les annonces dans l’interphone de l’école en imitant les profs sans se faire taper sur les doigts. Comme si son immunité contre les remontrances lui venait du destin. Depuis, Sugar Sammy lance des blagues douteuses sur tous les fronts, et aucune communauté n’est à l’abri de quelque raillerie baveuse… surtout pas la nôtre.

 

«Il y a deux sortes de Québécois pour moi: il y a les Québécois qui
sont éduqués, cultivés, bien élevés… pis t’as ceux qui ont voté oui. Vous vous rappelez du référendum ? C’tait cute votre petit projet.»

– Juste le Meilleur des Galas 2009

 

THINK BIG
Une fois installés sur la terrasse arrière du Boucan, je demande à Sugar Sammy s’il a une limite de temps à m’accorder. Entre deux gorgées de Coke Diète, il me répond : «Non, c’est correct, j’ai pas de vie.» Mensonge! Ce gars-là a un plan de match tissé serré, prisonnier des fuseaux horaires. Le créateur de «Super Paki» fait rire de l’Afrique du Sud à l’Arabie Saoudite. Il parle couramment quatre langues, reste plus qu’à apprendre le mandarin pour devenir un poster boy mondialisé.

Très présent sur les interwebs, Sugar s’assure de télécharger les vidéos de ses spectacles et a un nombre impressionnant de followers sur YouTube comme sur les réseaux sociaux. Il va même jusqu’à tester ses gags auprès de ses fans Facebook et Twitter, épluchant les like, les commentaires et les partages.

La première chose qu’on remarque lorsqu’on va sur son site web (mis à part la photo où il semble se gratter le fond de l’oreille), ce sont les citations élogieuses des médias à son égard : «One of ten rising comedy talents from around the world – Hollywood Reporter». De quoi faire des jaloux… ce dont l’humoriste est très conscient.

 

«Je vois des gars comme François pis Martin Matte pis Rachid… pis moi je fais ça comme… aux États-Unis, en Australie, en Angleterre… Moi aussi ça me tente de faire Matane pis Cowansville pis La Tuque… Savoir comment c’est vivre sans électricité pis eau potable pis… autour des gens qui se reproduisent en famille.» 

– Juste le Meilleur des Galas 2009

 

Pourtant, le point fort de Sucre, comme il se surnomme lui-même, n’est pas placardé sur le web : intéressé, curieux et touche-à-tout, il met son point d’honneur à comprendre chaque aspect de sa carrière pour pouvoir coacher son équipe en conséquent. Le produit exportable ? Lui. 

Mais pour l’instant, celui qui se définit avant tout comme un Montréalais prend une pause de la tournée, profite de sa ville, débute une période d’écriture, et, après 35 ans, décide de faire le grand saut : il quitte la maison de papa et maman. «Je peux pas me concentrer quand il y a des films de Bollywood qui jouent fort. Pis tu peux pas faire de partouze quand tes parents sont là… Silent orgy

 


LE POUVOIR INFINI DU CÂBLE
Impossible de faire une entrevue avec Sugar Sammy sans aborder le Goliath québécois des médias. Vidéotron, branche de Quebecor Media, a misé gros sur l’artiste, qui est devenu le nouveau visage de la compagnie dans une série de spots publicitaires à la télé. Tsé, celle qui joue 7 fois par jour, 7 jours par semaine? Je reviens sur mon sketch préféré, celui où Sugar se fait passer avec brio pour un Haïtien stéréotypé.

Grand désarroi : j’apprends que son personnage de Marie-Odile est inspiré… d’une Québécoise. Ça ou l’affaire DSK, je sais pas ce qu’il y a de plus traumatisant. Passons. Le pendant anglophone d’André-Philippe Gagnon me dit que ce n’était pas la première campagne qu’on lui avait proposée, mais que c’est celle qui lui laissait le plus de liberté, où il pouvait faire son imbécile et se défouler. L’argent n’a rien à voir dans ce choix ? « Comme humoriste, c’est pas comme si t’étais mal payé. C’était pas nécessaire pour mon portefeuille, mettons. » 

 

HUMOUR RACÉ
Que reproche-t-il à la scène humoristique québécoise? Le flafla. «Ici, il y en a quand même plusieurs qui se mettent toujours à danser.» Sugar, lui, privilégie le style stand up des comedy club américains. Fortement influencé par l’humour afro-américain et ayant pour idole suprême Eddie Murphy à l’époque de Delirious, il prône un humour sans fard. Ne nous méprenons pas: des humoristes québécois qu’il respecte, il y en a beaucoup: des gars comme François Morency, qui «détail après détail rodent leur matériel», pis d’autres comme Mike Ward : «Il a des couilles, man. Fuck it.»

De divagation en divagation, on tombe sur le sujet des mises en demeure. Le jeune pourtant habitué des méthodes à l’américaine semble plus concerné par leur impact au Québec, et revient sur des anecdotes comme l’affaire René Angélil contre les Grandes Gueules à l’époque de la parodie de «I’m Alive», version «À M’énarve». «J’ai fait des spectacles en Égypte, au Liban et à Dubaï sans devoir faire de concessions. J’ai parlé de tout : de l’islam, du référendum… Ça serait drôle que si j’ai une première mise en demeure, ce soit à cause de Céline. C’est tabou dans cette province. Ça va être mon test : un coup que t’as passé Céline…»

Celui qui prévoit un spectacle unique à Montréal pour l’hiver prochain s’apprêtait à faire une courte escale à Las Vegas le temps d’un show au moment de notre rencontre. Pour clore, je me suis permise la question classique : où te vois-tu dans 10 ans? Il réfléchit, hésita, puis me lança… «Faire un album avec Céline.»

 
 
 
 
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