Aller au contenu
Le Détesteur: lettre ouverte au gros porc croisé dans le train

Hey, salut dude. J'sais pas si tu me replaces, mais j'suis le gars, le seul, qui a osé prendre un banc en face de toi l'autre après-midi, sur l'heure de pointe, dans le train. Toutes les places étaient prises, sauf celle-là. Les gens ont préféré opter pour un mal de dos, à la verticale, sur leurs deux pieds, plutôt que de t'avoir en face d'eux, dans le confort d'un banc habituellement si convoité.

Pourquoi? Pour les mêmes raisons qui m'ont fait avoir d'la compassion pour toi. T'es misérablement laid, possiblement obèse morbide. Ton hygiène déborde les règles d'acceptation sociale. Pis ton linge ne fait pas exception. Tu ne penses probablement pas qu'on s'en rend compte, mais ouais man, des cheveux qui n'ont pas été lavés depuis plus d'une semaine, ça se détecte d'un vulgaire repérage des yeux. C'est gras, c'est sale. Comme ta moustache. Ou ta barbe que t'as négligemment rasée par spots. Ça pourrait passer inaperçu sur quelqu'un d'autre, mais pas sur toi. J'saurais pas forcément comment te l'expliquer, mais tous ces éléments aperçus sur des types comme toi, ça donne un affreux mélange qui met le focus sur tout en même temps, résultant en un désastre pour la vue. J'dois aussi t'admettre que je refusais de croire que l'odeur venait systématiquement avec l'image; à tort.

Pardonne ma cruauté, mais j'devais mettre mes lecteurs en contexte. Pis j'espérais aussi que tu puisses te reconnaître. Mais rassure-toi, jamais dans ma vie j'pourrais décrire quelqu'un comme j'viens d'le faire, en pleine face, par pure méchanceté. Seulement, comprends-moi, ça fait longtemps que j'les observe les gens comme toi pis que j'ai envie d'profiter de ma tribune pour vous tendre la main. Je dis "toi", mais tu sais que je ne m'adresse qu'à une description, à un inconnu, sans nom, sans visage, qui ne pourrait d'aucune façon subir la honte via ma plume.

Être gros, c'est pas ça l'problème. Pis la beauté, on l'sait bin que c'est relatif. C'est seulement qu'un jour, t'as décidé d'abandonner le concept d'être charmant. T'imagines, même en couple, j'ai besoin d'savoir que les filles ne me crissent pas systématiquement dans la friendzone. Mais toi, c'est pire, j'sais même pas si t'as accès à la friendzone. Tu t'es fait à l'idée qu'on puisse éviter à tout prix ta simple présence. Mais tu sais quoi? J'pas d'accord avec tes choix. J'ai envie d'être le gars qui t'fait comprendre que c'est inconcevable de vivre comme ça, j't'en veux de me permettre d'avoir pitié d'toi. Juste en t'apercevant au loin tantôt, j'pouvais déjà dire que tous les regards qui se posaient sur toi étaient semblables au mien. Mépris, pitié ou compassion, ça importe peu, on a tous fait le même constat sur ton indésirable personne en quelques secondes. Sans compter les préjugés qui viennent avec. Fourrer! Peux tu faire ça toi? Voilà. J'crois pas. T'as pas l'droit de nous permettre d'imaginer ça. Encore moins qu'on ait raison.

Dans un monde idéal, ce serait à nous de s'adapter à toi et non l'inverse, mais c'est comme ça, on ne peut s'empêcher de penser.

J't'avoue que j'suis un peu passé par là à une très courte période de ma vie. Toi pis moi, on est donc en mesure de comprendre pourquoi les p'tits gros sont toujours les premiers à porter des shorts au mois de février; c'est qu'ils livrent un combat au quotidien avec le pantalon, commandité par la proportion hanche VS chevilles. Comme c'est très large dans le haut, ils ont l'impression de traîner d'énormes sacs de poubelles dans le bas, un genre de pantalons à pattes de véritable éléphant format réel.

J'pas là pour te dire de moins ou mieux manger, on l'sait que c'pas 100% ça le problème. Ni de te procurer un abonnement au gym, parce que tu n'y verras pas de résultats satisfaisants dans l'hyper-immédiat, de toute façon. Tu vas abandonner. C'qu'il te faut, c'est de l'espoir pis d'la motivation le plus tôt possible, c'est pourquoi j'te suggère que tu t'adonnes à une diète extrême. Tsé la protéine en sachet, là? No joke. Ça va t'faire un beau défi pour l'été pis tu vas fondre à vue d'oeil si tu t'y mets sans déraper. Tu vas perdre 50 ou 100 livres en quelques mois seulement… que tu reprendras inévitablement dans ceux à suivre, parce que maintenir est un sale défi. Mais dude, tu le prendras comme un second souffle. T'as besoin de savoir que c'est possible, même si c'est temporaire. De voir les regards changer autour de toi. De porter des vêtements et trouver qu'ils te vont bien. D'arriver à penser que FOURRER est une probabilité. Pis une fois que t'auras repris tout ton poids, tu pourras au moins te dire que quelque chose de bien t'attend, pis crois-moi, tu feras tout pour le récupérer.

Bonne chance.

Je te déteste.

Plus de contenu