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Nos coups de cœur du volet film à SXSW
Crédit: Après avoir passé 8 jours à engloutir un nombre impressionnant de longs, de courts et de documentaires, quelques moments nous restent en tête.

Pas besoin de se faire des histoires: si on dressait un classement de popularité des différents volets du festival South By Southwest, les clans Interactive et Music se livreraient une chaude lutte pour le titre de grand vainqueur, alors que la gang de Film serait bien loin dans les estrades à observer le combat. Mais ne croyez pas pour autant que les festivaliers friands de salles de projection sombres en ont le cœur lourd. Pendant que l’élite techno et la cohorte de mélomanes faisaient la file pour une conférence X ou un showcase Y, nous, cinéphiles assoiffés de cinéma indie, nous sommes gavés dans ce all-you-can-eat de pellicule et de HD savoureux.

Après avoir passé 8 jours à engloutir un nombre impressionnant de longs, de courts et de docus, quelques moments nous restent en tête.

 

1. Jeffrey Tambor donne une grande leçon d’humilité à deux jeunes acteurs
Le SXSW Film, c’est aussi une série de conférences, de tables rondes et de présentations sur une multitude de sujets. L’hilarant Jeffrey Tambor (Arrested Development, The Larry Sanders Show), s'est rendu à Austin pour la 8e fois afin de livrer son incontournable atelier sur le jeu (Jeffrey Tambor’s Acting Workshop) avec deux acteurs en début de carrière. Le Théâtre Vimeo de l’Austin Convention Center était bondé de réalisateurs, d’acteurs, de producteurs et de directeurs de casting venus le voir dresser ces jeunes artistes indomptés à coups de critiques incisives, de conseils judicieux et de tendres mots d’encouragement. Comment livrer une performance du tonnerre? Selon Tambor: ne pas avoir peur de risquer le tout pour le tout, s'habituer à l’idée de se faire virer et ne pas hésiter à surjouer. Une leçon remplie d’humour mais surtout de sagesse.

 

2. La contreculture à l’honneur

On n’avait qu’à feuilleter le catalogue pour bien saisir l’esprit DIY du festival: de très bons documentaires sur les jeunes punkettes russes et révolutionnaires (Pussy Riot : Punk Prayer), les fondateurs bohèmes de l’événement le plus sauté du continent, tenu dans la chaleur écrasante du désert du Nevada (Spark : Burning Man), l’époque pas si lointaine à laquelle de brillants jeunes hackers ont changé à jamais notre façon de consommer et de partager l’art en ligne (Downloaded et TPB AFK : Pirate Bay) et un portrait sans flafla du collectif new-yorkais Improv Everywhere, qui a suscité l’engouement du monde entier à l'ère pré-YouTube, pré-flash mobs, avec ces rassemblements imprévisibles et loufoques (We Cause Scenes).

 

3. Le mumblecore arrive à maturité
C’est à SXSW en 2005 que ce courant, caractérisé par son improvisation, ses acteurs amateurs et ses micro-budgets, a pris son envol. Joe Swanberg, un des réalisateurs les plus prolifiques de ce mouvement DIY, a considérablement élargi la portée de son œuvre lo-fi cette année avec Drinking Buddies. Cette comédie de mœurs intelligente et largement improvisée explore les tensions sexuelles à peine voilées entre quelques employés d’une microbrasserie branchée à Chicago. En faisant appel à des acteurs opérant à l'extérieur du circuit fermé qu'est le mumblecore (Anna Kendrick, Jake Johnson et une surprenante Olivia Wilde), et au DOP Ben Richardson (Beasts of the Southern Wild) pour mettre son histoire en images, Swanberg réunit tous les bons éléments (et une quantité ahurissante de pintes) pour que sa quête désarmante du « meilleur » partenaire prenne tout son sens. Drinking Buddies, c’est l’esprit SXSW à son meilleur.

 

4. Danny Boyle en dit trop sur Trance, son nouveau thriller (On l’aime pareil)
Au sein d'une série de panels rappelant le côté « fanboy » du Comic-Con de San Diego, la rétropective du réalisateur chaméléon Danny Boyle (127 Hours, 28 Days Later, Slumdog Millionaire) a de loin été la rencontre la plus intéressante. En entrevue avec David Carr, légendaire chroniqueur du New York Times, Boyle a jasé de ses anciennes ambitions de prêtrise (!!), de l’importance que revêt la musique dans ses films et de la suite de Trainspotting qu’on attend tous impatiemment. Ah, et il nous a montré un extrait de son nouveau thriller psychologique Trance qui contenait un énorme spoiler. Lorsque la salle au complet a réagi après s'être fait voler le dénouement du film, le sacré Boyle a calmé le jeu en affirmant : «  Vous savez, il y a un effet amnésique assez remarquable qui se produit lorsqu’un film commence, et on oublie alors tout ce qu’on sait déjà à propos de la suite. » Bien joué, Dan.

 

5. La découverte du festival: Short Term 12
Chaque festival a droit à son film vedette, que ce soit Precious à Sundance, The Tree of Life à Cannes ou Slumdog au TIFF. Celui de SXSW 2013 s’intitule Short Term 12, à propos du climat explosif qui règne dans une famille d’accueil (le « short term » du titre), où des adolescents en crise passent quelques mois sous la supervision d’une jeune équipe (dont la formidable Brie Larson) travaillant d’arrache-pied pour les aider à traverser de dures épreuves. Renversant, drôle, émouvant, criant de vérité  – vous entendrez beaucoup parler de ce deuxième long métrage de Destin Daniel Cretton au cours des prochains mois, surtout qu'il a remporté le Grand Prix du Jury et le Prix du Public du meilleur long métrage. (D’ici là, son premier long métrage, I Am Not A Hipster, sera présenté en première québécoise au Centre PHI lundi prochain!) 

 

6. Les grosses pointures (Joss Whedon, Harmony Korine et Joseph Gordon-Levitt) livrent tous d’excellents films
Habituellement, dans les festivals, on se tient loin des films qui risquent de se retrouver en salles quelques mois plus tard, question de profiter à fond de l’expérience pour voir des œuvres rares, inusitées. Je suis généralement de cet avis, sauf que les trois films ayant joui du plus grand buzz médiatique à Austin nous ont prouvé que high-profile ne rime pas systématiquement avec haute teneur en gras artistique. Joss Whedon, héros fanboy des temps modernes, offre avec sa comédie noiresque Much Ado About Nothing – tournée en quelques jours seulement dans sa propre maison – la relecture la plus passionnante d’une œuvre de Shakespeare depuis le Romeo + Juliet de Baz Luhrman.

Après le décousu et décevant Trash Humpers, notre iconoclaste chouchou Harmony Korine (Gummo) nous propose avec Spring Breakers son long métrage le plus accessible mais tout aussi provocateur! Avec un James Franco en rappeur blanc sosi de RiFF RaFF, féru des fusils, des « grills » et des jolies collégiennes aux moeurs légères interprétées par sa femme Rachel Korine, Ashley Benson et le tandem racoleur so Disney (Selena Gomez et Vanessa Hudgens). Trame sonore de Skrillex, hold-up d’un fast-food crade, gros plans de débauche floridienne à la Girls Gone Wild, hommages bien arrosés à Britney Spears… On sort de la salle complètement déboussolé – et avec un gros sourire aux lèvres. 

Joseph Gordon-Levitt, quant à lui, confirme qu’il est aussi habile à la réalisation et à la scénarisation que devant la caméra avec son Don Jon, comédie fort touchante et intelligente à propos d’un jock Italo-Américain typiquement « douchebag » (ses seuls champs d’intérêt : la salle de musculation, la boîte de nuit, la porno Internet) qui doit renoncer aux multiples sessions de branlage en ligne quotidiennes s’il souhaite rester dans les bonnes grâces de sa jolie nouvelle copine (Scarlett Johansson, interprétant une « ginette » manipulatrice avec brio!).

 

7. Les pires navets de SXSW ne sont même pas si mauvais que ça
Lorsque tu n’es même pas capable de démolir les films les plus décevants d’un festival, c’est que la qualité est au rendez-vous. Bien sûr, tout est relatif, car cinq cinéphiles peuvent tous avoir vu des films complètement différents parmi les quelque 250 œuvres au menu, mais cela reste à tout le moins un heureux hasard. Pour notre part, le très attendu Snap, à propos d’un DJ schizophrène et possiblement psychopathe qui se réfugie dans les basses fréquences et le vacarme du dubstep (trame sonore de Skrillex à l’appui) pour faire taire ses voix intérieures, était à la base une proposition intéressante et très audacieuse. Malheureusement, le scénario en dents de scie n’est pas à la hauteur du concept.

Pour sa part, le documentaire Unhung Hero, à propos d’un pitoyable jeune acteur qui subit l’humiliation ultime lorsque sa copine refuse sa demande en mariage (en direct et sur écrans géants) à cause de la taille de son engin, emprunte la voie très prude d’un voyage autour du monde pour tenter de remédier à son (petit) ennui. Au lieu d’en faire un portrait intimiste du gars et de ses bobos émotifs, le voilà en touriste des hauts lieux de l’urologie internationale, passant de la Papouasie-Nouvelle-Guinée à la Corée pour s’entretenir avec des pseudo-spécialistes assez farfelus. Dommage, le film avait le potentiel d’être beaucoup plus édifiant.

 

8. Les réalisateurs texans ne nous laissent pas sur notre faim
Si vous n’étiez pas convaincus du quotient créatif que détient l’état de George W. (Wes Anderson, Terrence Malick et Robert Rodriguez figurent parmi ses plus illustres représentants), le volet Film nous a rappelé à l’ordre avec trois preuves à l’appui. D’abord, le sublime Upstream Color de Shane Carruth (Primer), mystérieuse œuvre de science-fiction d’une beauté inouie, qu’on pourrait ranger dans le même tiroir que The Tree of Life pour son labyrinthe d’idées ambigües et de trames narratives qui invitent à la contemplation!

Dans un registre beaucoup plus accessible, notons Zero Charisma, une comédie de gamers sensible et juste à propos de Scott, pitoyable métalleux dans la trentaine vivant toujours chez sa grand-mère, qui trouve son exutoire en « Game Master » d’un univers fantastique de RPG tous les mardis soirs. Mais lorsque Miles, charmant hipster-geek, se joint au groupe et prend trop de place au sein de sa clique d’ultra-nerds, le très jaloux Scott ne pourra contenir sa rage. Qu’arrive-t-il lorsque un tempérament de fanboy obsessif doit gérer sa colère? Un regard lucide et comique sur cette communauté WoW qui reste bien loin des blagues réductrices. Sauf qu’on a tout de même droit à un combat épique Geeks vs Hipsters!

Finalement, je serais incapable de passer sous silence Before Midnight, remarquable troisième volet de la saga de Jesse et de Céline imaginée par le réalisateur Richard Linklater et ses proches collaborateurs Julie Delpy et Ethan Hawke. Après les avoir découverts à Vienne (Before Sunrise) puis retrouvés à Paris (Before Sunset), nous voilà neuf ans plus tard en compagnie de nos deux amants maudits à la parole facile, cette fois en Grèce. Je ne vous en dis pas plus, mis à part que l’histoire s’inscrit à merveille dans la continuité de ce couple et des dures épreuves auxquelles ils devront tôt ou tard être confrontés.

South By Southwest | sxsw.com

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