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«Le potager de Vic+Flo»: une BD attendue ou quand l’univers de Denis Côté rencontre le coup de crayon lyrique de Jimmy Beaulieu
Crédit: Beaulieu, connu pour «Le moral des troupes» et la sensuelle «Comédie sentimentale pornographique», nous parle de sa rencontre avec le film de Côté, et de la petite histoire derrière la B.D. Le potager de Vic+Flo.

Que se passe-t-il quand l'univers cinématographique et formaliste de Denis Côté rencontre le coup de crayon lyrique de Jimmy Beaulieu? C'est ce que propose Le potager de Vic+Flo, une bande dessinée signée Beaulieu, inspirée par un film de Côté. Vic+Flo ont vu un ours, septième oeuvre de l'iconoclaste cinéaste québécois, remporte un franc succès depuis sa sortie au 63ème Festival International du Film de Berlin où il a remporté le prix Alfred Bauer. Depuis, Vic+Flo voyage partout sur la planète, de Dublin à Durban, de Jérusalem à Melbourne, collectionnant ici et là les bons mots des festivaliers. Beaulieu, connu pour Le moral des troupes et la sensuelle Comédie sentimentale pornographique, raconte sa rencontre avec le film de Côté, la petite histoire derrière la bande dessinée Le potager de Vic+Flo. Des mots qui nous donnent l'eau à la bouche et qui alimentent notre impatience. La sortie simultanée des deux œuvres est prévue au Québec le 4 septembre prochain.

D'où vient cette charmante idée d'adapter une œuvre cinématographique québécoise en bande dessinée? 
Jimmy Beaulieu: J'aimerais te dire que c'est mon idée, mais ce n'est pas le cas. C'est les gens de Funfilm, le distributeur du film Vic+Flo ont vu un ours, qui ont eu cette idée. Ils se sont questionnés sur les façons intéressantes et intelligentes de promouvoir une œuvre comme Vic+Flo. Manifestement, il y a de bons lecteurs de bandes dessinées dans cette équipe. Et ils ont vu un lien entre Denis et moi. C'est bien drôle, car ni moi, ni Denis ne cadrons dans un cadre promotionnel! On s'est donc approprié le truc, Denis et moi, et on propose quelque chose de plus formel. On a réfléchi à ce que nous avions en commun, à ce que nous avions de différent. Et aujourd'hui ça ressemble plus à une étude de style qu'à un simple exercice promotionnel.

Étais-tu familier avec la filmographie de Denis Côté? J'avais vu Curling que j'avais adoré, mais pas le reste. J'ai donc visionné avec beaucoup d'enthousiasme tous les films de Côté. Je regardais ça la nuit avec mes écouteurs et je me faisais penser à mon voisin quand il écoute le hockey. Je m'exclamais à la bonne idée comme on s'exclame devant un but en série.

Comment as-tu abordé l'idée de faire un livre avec le film Vic+Flo ont vu un ours? On visionne jusqu'à connaître par cœur chacune des répliques? Ou on part à l'aventure? Je n'ai jamais regardé un film aussi attentivement. C'est comme si je venais d'écrire une thèse sur Vic+Flo ont vu un ours. J'ai vu et revu. Je revisionne encore pour bien rendre les décors. Bon, je ne suis pas hyper rigoureux. Et j'ai toute la liberté que je désire, mais je crois qu'il est plus intéressant de rester fidèle à ce film. J'ai particulièrement observé comment Côté rythme ses films, comment il filme les corps dans l'espace. Je voulais m'essayer à ce ton-là, à ce système-là. Il reste toutefois qu'une certaine lenteur passe mieux au cinéma qu'en bande dessinée. Je crois que c'est le lecteur qui recrée cette lenteur en bande dessinée, en ayant le [regard] fixe sur une case. Alors qu'imposer le même décor page après page, ça devient, je crois, sclérosant. Je m'approprie à ma façon l'oeuvre. Et j'aime bien le dialogue que ça crée entre les deux œuvres.

Qu'est-ce qu'on apprend d'un tel exercice? Ça raffermit la direction dans laquelle j'étais. Ça confirme certaines de mes forces. Je me retrouve privé du registre émotionnel habituel de mes personnages. Ici, avec Vic+Flo, les personnages n'éprouvent pas d'empathie, ils ne sourient pas. La prochaine fois, je vais me défouler. Tous mes personnages seront sympathiques, positifs, ils souriront. C'est la première fois que je ne suis pas dans mon univers et je trouve ça très enrichissant d'être déstabilisé comme ça. Ça nous révèle ce qu'on a de très personnel.

Quelles sont les limites de cet exercice? Il faut conserver des parts d'ombre pour ne pas tout dévoiler du film Vic+Flo ont vu un ours. Je ne veux pas gâcher le plaisir des spectateurs, alors je fais silence sur certains punchs. Le livre reste énigmatique. Avec des dessins esthétisants, un jeu d'aquarelle qui mise sur le climat et la lumière. Je dessine donc un tricot d'ambiances, ce qui ressemble bien aux films de Denis Côté.
 

Le potager de Vic+Flo et Vic+Flo ont vu un ours sortiront tous les deux le 4 septembre.
Le potager de Vic+Flo est publié chez La mauvaise tête. Des fragments du livre sont révélés via le site internet de Jimmy Beaulieu.

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