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La jeune dramaturge Sarah Berthiaume nous parle de Yukonstyle, une des pièces les plus attendues du printemps
Crédit: Fraîchement débarquée de Paris, où elle a assisté à la première de la production française de Yukonstyle, Sarah Berthiaume était de retour à Montréal hier soir pour la première de la production québécoise, mettant notamment en scène Sophie Desmarais et Vincent Fafard.

D’abord, il y a Yuko, la Japonaise de six pieds, qui cherche l’endroit du monde où il y a le moins d’immigration japonaise, avant de tout vendre et de déménager à Whitehorse avec Garin, un Métis en crise identitaire. Ne sachant pas ce qui est arrivé à sa mère, disparue dans les années 80 près de Vancouver, le jeune homme entretient son père, Dad’s, un vieil alcoolo englué dans le deuil de sa femme. Il y a aussi Kate, une petite Lolita habillée à la mode des mangas, qui fait du pouce et qui aboutit dans la maison de Yuko et Garin. Le quatuor passera l’hiver ensemble, se transformant peu à peu en communauté de chercheurs d’or intérieur. Leur histoire, ils la doivent au roadtrip from coast to coast que l’auteure Sarah Berthiaume a fait en 2008.

« J’avais besoin de vivre de quoi, de partir pour me trouver ailleurs. Un ami du secondaire, qui vit à Whitehorse, m’a invité à passer du temps chez lui. Pour 250 $, Greyhound faisait le voyage d’une traite : 4 jours et 4 nuits en autobus, assis sur un banc carré, sans jamais pouvoir dormir couché. C’était super intense physiquement, mais j’ai rencontré du monde hyper intéressant. » 

 

Après avoir franchi l’Ontario, les Prairies et la Colombie-Britannique, l’auteure est arrivée à Whitehorse, où elle a dormi 20 heures de suite pour se remettre. Pendant les semaines qui ont suivi, Berthiaume sera viscéralement marquée par l’immensité du territoire. « Je me sentais comme un petit point dans l’immensité. J’ai vécu l’équivalent d’un vertige existentiel. Je me rappelle aussi l’impact de la lumière sur les gens là-bas. En hiver, à Whitehorse, il y a 20 heures de noirceur. Ça change un rapport au monde ! »

À son retour en autobus, un élément a enclenché le processus d’écriture : son iPod est mort en cours de route. « J’avais 4 jours d’autobus à faire sans musique et sans ressentir l’envie de découvrir qui m’habitait quelques semaines plus tôt. Je me disais que ce serait d’une platitude infinie. Comme je n’avais rien à faire, j’ai pris mon cahier de notes et j’ai inventé des liens entre les personnes que j’avais rencontrées pour tisser une espèce d’histoire à Whitehorse. »

 

Un roadtrip vers l’infiniment grand
Un peu comme Pompéi, Gagnonville, Kandahar et Brossard l’avaient inspirée pour écrire Villes mortes, Berthiaume s’est servi du Yukon comme leitmotiv d’écriture. « Les villes disparues ou en décrépitude sont souvent le point commun entre mes pièces. J’utilise les échos qui restent en moi après avoir quitté un endroit et j’écris à partir de là. Les personnages apparaissent ensuite, comme des manières de parler du lieu. »

Avec Yuko, Garin, Dad’s et Kate, la dramaturge désirait raconter une histoire où quatre solitudes se rassemblent. « Devant la nature magnifique et hostile, ils n’ont pas le choix de se rassembler autour de leur humanité pour survivre. J’ai envie de penser que ça se peut, de croire que quatre personnes différentes, traumatisées et hargneuses peuvent finir par se retrouver. »

Fraîchement débarquée de Paris, où elle a assisté à la première de la production française de Yukonstyle, Sarah Berthiaume était de retour à Montréal hier soir pour la première de la production québécoise, dirigée par Martin Faucher et mettant notamment en scène Sophie Desmarais et Vincent Fafard. Ensuite, ce sera la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche et Toronto! « Le public adopte le même point de vue que moi en arrivant au Yukon, celui de l’étranger qui débarque. Martin joue avec la largeur et la hauteur de la salle principale du Théâtre d’Aujourd’hui pour donner une impression de vertige et de rapport à l’immensité. J’aime beaucoup ce que j’ai vu en répétitions. »

 

Yukonstyle

Du 9 avril au 4 mai
Théâtre d’Aujourd’hui | 3900, rue Saint-Denis | theatredaujourdhui.qc.ca

Crédits photo: Neil Mota (portrait de Sarah), Valérie Remise (photo de production).