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Le restaurant Pastel : l’excellence, entre créativité et prudence
Ça aura pris trois ans, plus de 120 changements de menu et des milliers de clients satisfaits que le duo Kapoor-Morris s’est senti suffisamment confortable pour laisser voler de ses propres ailes leur premier bébé— le restaurant Le Fantôme —, afin de se consacrer davantage à leurs deux nouveaux projets ; le Café Ssense et l’objet de ce billet : le Pastel

Crédit photo : Tommy Dion
 
Quelles sont donc les motivations de couper dans les heures de sommeil pour démarrer un nouveau projet de cette envergure ? Le goût de changement certes, mais surtout l’envie indéniable du chef et de son équipe d’agrandir leur terrain de jeu, laissant place à l’épanouissement du talent et de la vision de cette brigade, précurseur des nouvelles tendances gastronomiques au Québec.
 
Maintenant. Le Pastel, la version 2.0 du Fantôme ? Bien qu’il y ait quelques ressemblances au niveau du menu (que vous pourrez lire plus bas), le décor est complètement à l’antipode du Fantôme. Kabir Kapoor a même déclaré que le Pastel était le ying du yang qu’est le Fantôme. Lediscret et intime espace de 30 places assises de ce dernier est remplacé par un grand et spacieux 75 places, son ambiance sombre par la clarté de la lumière naturelle, puis son environnement un peu plus industriel par le chic. Enfin, le menu variera au fil des saisons, mais changera beaucoup moins qu’au Fantôme. 
 

Crédit photo : Tommy Dion
On aime également la cuisine ouverte et centrale, divisant le restaurant en deux ambiances distinctes ; le côté intime et calme de la salle à manger, puis le côté plus festif, mais tout de même posé du bar. Cet atout comporte néanmoins quelques risques, dont l’excès de fumée (surtout en début de soirée), venant du teppanyaki — plaque à griller, utilisée pour plusieurs de leurs préparations. 
 
Parlons maintenant du menu ! Bien que le Pastel offre plusieurs plats à la carte, la majorité des clients vient pour vivre l’expérience du menu dégustation de 9 services à 110$. Pour un supplément de 75$, la sommelière Caroline Rossignol (Fantôme) se fait un plaisir d’accorder tous les plats avec l’équivalent de 1,5 once du liquide de son choix. Pensons vins natures et en biodynamie, mais sans laisser de côté les plus classiques.
 
Ayant bien loin l’idée de faire autrement que de vivre l’expérience complète, c’est avec mes papilles pleinement disponibles et l’esprit ouvert que j’ai embarqué dans l’univers Morris-Kapoor. 
 
Sans vous donner la lourde tâche de lire l’intégralité des descriptions et des critiques des plats dégustés, voici le résumé de mon expérience au Pastel.

Crédit photo : Tommy Dion
Les techniques utilisées
 
Entre conventionnelles et modernes. Autant on se laisse magnifier par la sphérification de tomate brûlée, avec l’acidité du sabayon de persil qui s’accordait à merveille avec la richesse des gnochettis à base de farine de tapioca, autant on se plait avec le plat de rib-eye simplement grillé, servi avec une déclinaison de pomme de terre et salsa verde.

Crédit photo : Tommy Dion
 

Crédit photo : Tommy Dion
 

Le style de cuisine
 

Entre le Québec et le Japon. L’influence japonaise est bien présente, autant dans le respect du produit que dans l’insertion de techniques et de saveurs nipponnes. Pensons sushi, kombu, nori, dashi… C’est en ajoutant plusieurs merveilles de notre terroir tels que la fleur de courgette, la capucine, le sapin, le homard, la rhubarbe, la fraise et le bleuet, que nous comprenons le style unique du Pastel.

J’ai en mémoire ce plat — un de mes favoris de la soirée —, faisant un clin d’œil au sushi. L’unique « Homard », tel qu’inscrit sur le menu, ne rend pas hommage à la maîtrise et alliance de techniques et de saveurs.  D’abord, le riz à sushi est exécuté à la perfection ; juste assez collant et vinaigré. Puis, le homard taillé est magnifiquement entouré d’un gel de rhubarbe, d’une émulsion de pinces à homard, de ciboulettes fraîches et légèrement rehaussé de kombu blanc. En ajoutant le plaisir de déguster avec ses doigts cette création, mon bonheur était à son comble.

Crédit photo : Tommy Dion
 
Le niveau d’audace
 
Entre prudence et originalité. Non, ne vous attendez pas à des fantaisies à la hauteur du PBJFG — sandwich peanut butter, jelly, foie gras— ou d’un homard thermidor — sans homard —, sans passer aux côtés des combinaisons de saveurs aussi surprenantes que poulet-boudin, dattes-champignons ou encore bleuet-cari que seul le Fantôme oserait servir. Au Pastel, Jason a pris le soin d’élaborer un menu non pas pour choquer nos papilles, mais pour les réconforter.

Prenons ce plat de ballotin de volaille, combinant techniques et saveurs des plus classiques, mais oh combien jouissifs ! Imaginez le volatil parfaitement cuit, surmonter de la richesse des morilles et de la finesse des fleurs de courgette, le tout perlé d’un jus bien corsé et d’eau de courgette. On reste dans la prudence mais, dans son exécution parfaite, ce genre d’œuvre n’est pas monnaie courante à Montréal.

Crédit photo : Tommy Dion

Le service
 

Amical et professionnel, mais imprécis et brin déficient. Selon moi, la plus grande lacune de la soirée. Très dommage de voir l’effort d’un chef et de son équipe à perfectionner ses recettes, mais d’avoir une brigade en salle n’ayant pas la capacité de transmettre l’information aux clients, de manière à ce que le client prenne conscience de l’ampleur de l’œuvre sous ses yeux. Non, ce n’est sans doute pas le cas de tous les serveurs, mais trop souvent, dans ma section, ces derniers repartaient sans avoir pu répondre à mes questions. Sans compter la description divergente du même plat, d’un serveur à l’autre.

 
Les desserts

Malheureusement, le dessert n’a pas tout à fait comblé mes attentes. Bon ? Oui, assurément. Trop simple ? J’en ai bien peur. Je n’ai rien contre les bleuets macérés dans une mélasse de bleuets de l’année dernière, qui accompagne parfaitement le granité de petit lait parfumé à l’huile d’olive en guise de pré-dessert. Quant au dessert, je m’attendais à un peu plus de techniques et de travail que mes fraises macérées dans un jus de lime, gingembre et basilic, accompagnées d’une riche glace salée à la tomme de Brousailles — fromage de chèvre de lait cru, de la fromagerie éponyme située dans les Cantons-de-l’Est. À vous de juger !

Crédit photo : Tommy Dion
 

Pour ceux n’ayant pas les mêmes ambitions que moi, sachez que le Pastel est ouvert du mardi au vendredi midi. Parfait pour un lunch d’affaires, ou de roi !

Restaurant Pastel
124 McGill, Montréal
514 395-9015

Crédit photo : Tommy Dion
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