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Tête-à-tête parfait avec Anne Émond, la réalisatrice de NELLY
Crédit: Isabella Amodei

En novembre, je me faisais demander par Téléfilm Canada : « Hey! Ça te tente-tu d'aller couvrir un festival de cinéma en Californie? » 
 
Étant beaucoup plus orientée musique que cinéma, je me demandais un peu ce que j'allais aller faire là, mais la perspective de me sauver de l'hiver, même si c'était seulement pour 4 jours, m’enchantait, donc j’ai embarqué dans le projet avec l’attitude d’une fille qui figurerait tout ça une fois là-bas. Kin, YOLO toi chose! C’est ce qui fait que je me suis retrouvée au Palm Springs International Film Festival en vraie nobody de l’industrie, à regarder des vues provenant des quatre coins du monde.
 
Pour vrai, c’était parfait.
 
Le véritable comble du bonheur par contre, ce sont les 20 minutes que j’ai passées sur le bord de la piscine à jaser avec Anne Émond, la jeune réalisatrice de Nelly, le poignant long-métrage relatant le tragique parcours de l’auteure à succès, Nelly Arcan. La cinéaste est généreuse de son temps et de ses mots (gros win) en plus d'être drôle as fuck: je voulais lui poser toutes les questions du monde parce que je suis pas mal certaine qu'on aurait figuré ben des affaires ensemble.

 

Ultimement, je m’en suis – presque – juste tenue au film, parce que de mettre en images la vie tumultueuse de l’écrivaine, c’est loin d’être de la petite bière. « C'est sûr que c'est un projet casse-gueule, ça je le savais dès le départ. Faire un film sur une personnalité connue, déjà, à la base, c'est casse-gueule, mais faire un film sur une personnalité connue qui est morte aussi récemment, et qui a autant marqué le Québec, c’est certain que la pression est là. » 

J'ai lu Putain naïvement alors que j'avais 20 et que j'étais neuve dans mon indépendance. Le livre avait allumé un switch, mais 12 ans plus tard c'est comme si j'avais oublié. En regardant le film en déprime du Nouvel An, ça m'a pris, dans le creux, là où c'est vide la plupart du temps. Là, ça résonnait. Fort. Tellement que j'ai cherché le livre et que je l'ai relu en une journée. J'ai compris des choses que je n'aurais jamais pu catcher au début de ma vingtaine.

Crédit photo : Isabella Amodei
 

En en parlant avec Anne, je me suis vite rendu compte que je n'étais pas, et que je ne serais définitivement pas, la seule à vivre cette connexion : « Je ne l'ai jamais rencontré, mais étrangement, quand j'ai appris, banalement sur Facebook, qu'elle était morte, ça m'avait vraiment jeté à terre, comme si je la connaissais. Il y a une partie de moi qui se sentait très près d'elle. J'espère ne pas avoir le même mal-être, mais à plein de niveaux et de façon moins extrême, je pense que toutes les femmes peuvent se reconnaître en Nelly. » Eh ben oui. Je vous confirme que oui.

C'est d'ailleurs ce jour-là, le maudit jour où Nelly Arcan a décidé qu'elle avait pas mal fait le tour, que la réalisatrice a eu la réflexion de faire un film sur elle et sur son écriture. La lourde tâche qui l'attendait a pris plusieurs formes avant de finalement prendre une tournure poétique s'inspirant parallèlement d'héroïnes tragiques en les personnes d'Amy Winehouse, Virginia Wolfe et Marilyn Monroe pour définir les trois phases de sa vie : la prostitué, la séductrice, l'écrivaine.

« Je n’avais pas ça en tête au départ. En fait quand j'ai commencé, je ne savais pas ce que j'allais faire. J'ai même écrit une version complètement différente du film, un biopic conventionnel, chronologique. Arrivée à la fin, je l’ai relu et c’était super plate ! En plus, ça ne rendait aucunement hommage au personnage chaotique qu'a été Nelly. Ses œuvres sont chaotiques, ça prenait un film plus flyé. Il fallait oser et l'allusion à ces femmes-là, qui ont presque été sacrifiées, qui se sont brûlées par leur succès, s’est fait naturellement. Pour moi, Nelly fait partie de ces icônes-là : hyper talentueuse, mais hyper tourmentée. »
 

Crédit photo : Isabella Amodei

Anne a appris à connaître Nelly à travers ses livres oui, mais aussi grâce à l'entourage de l'écrivaine. Elle m'a d'ailleurs avoué, sans surprise, avoir eu une crainte quant à la réception de son film par ses proches, et avec raison : « Mon premier souci, ça a été vraiment de rendre justice à son œuvre, et de ne pas blesser davantage les gens qui ont été blessés dans toute cette histoire-là. Je voulais vraiment rendre hommage à cette femme-là et je pense que les gens près d'elle ont senti que mes intentions étaient pures. Maintenant est-ce qu'ils sont 100% d'accord avec le film? Est-ce que ça va ramener la personne dont ils s'ennuient? Non. C'est un film; on ne la ramènera pas à la vie. »

NELLY sort en salles officiellement le 20 janvier prochain; faites-vous donc une faveur.
 

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