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Le Détesteur: « tu prends trop de selfies, tu gosses, je me désabonne! »
Crédit: Murphy Cooper

En ce qui a trait la perte d'abonnés, mon compte Instagram se fait relativement tranquille et stable dernièrement. Le chiffrier indique normalement une hausse d’abonnements et plus rarement on se désabonne, contrairement, par exemple, à Facebook, où mes prises de position peuvent nettement refroidir les gens.

Je peux dire par contre que, quand on se désabonne, je ne m’étonne jamais de voir apparaître le nom des gens qui ne souhaitent plus voir défiler mes photos dans le feed. Prévisibles as fuck.

Ils ont tous ce truc en commun : s’aimer beaucoup. Publier jusqu’à 2-3 selfies chaque jour. Des milliers d’abonnés. Des personnalités qu’on finit un jour ou l’autre par voir un peu partout. Nos écrans, triptyques dans le métro, magazines. Des influenceurs. Il y a aussi ces gens qui connaissent une perte de poids considérable et se mettent à publier plusieurs photos d’eux dans un effort conscient d’apprivoiser ce corps renouvelé, de plaire. 

Je les vois venir à des kilomètres. Dès que je m’étonne à dire dans ma tête : « God qu’ils n’en reviennent jamais d’eux-mêmes, ces gens-là », d’avance je peux prédire qu’ils se désabonneront de moi au selfie de trop. Incessamment. Je me trompe rarement. C’est immanquable.

J’observe ce curieux phénomène depuis quelques années et me demande encore : les gens qui se mettent le plus en scène sur les médias sociaux, qui ne manquent jamais de documenter le moindre anodin tiré du quotidien, sont-ils capables d’être à leurs tours des spectateurs passifs? De s’intéresser sincèrement à l’autre? Ou plutôt, ne peuvent-ils pas flairer les semblables qui usent des mêmes stratagèmes afin de récolter des likes, ceux qui, à leur instar, sont dépendants du selfie?

Si je dis ça, c’est que j’ai autrefois été cette personne. J’ai dû m’adapter. Me faire à l’idée qu’il me fallait accepter que les autres, et pas seulement moi, aient aussi ce besoin morbide de nourrir l’égo. De se mettre à nu. De vérifier des choses. Que les autres aussi pouvaient, comme ça, du jour au lendemain, bénéficier de leurs propres tribunes. Rejoindre des milliers de gens. C’est difficile de reconnaître chez les autres notre propre soif de reconnaissance, et pire, les chemins que nous empruntons pour y parvenir. De savoir que dorénavant, ils ont accès à la section « quête de reconnaissance » de notre tête, maintenant qu’ils ont découvert comment on fait. On se sent comme si on venait de nous dérober de nos vêtements sur la place publique, laissés pour nus. 

Une fois qu’on a fait la paix avec ce concept, la conscience s’en porte beaucoup mieux. On arrive même à se réjouir de l’attention accordée aux autres. On s’inspire de l’autre, l’autre s’inspire de nous.  On encourage les amis à faire le grand saut. On comprend bien qu’il nous faut permettre aux gens de s’exposer si nous-mêmes nous le permettons. 

Il s’agit évidemment d’un simple constat anecdotique et je sais bien qu’il peut y avoir 1000 raisons de se désabonner de quelqu’un. Ceci dit, ça me fait toujours bien sourire quand je prends connaissance que cette personne qui semble s’aimer beaucoup vient tout juste de se désabonner à la suite de la publication de « mon selfie qui a fait déborder le vase ». 

Get over yourselves. Le monde ne tourne pas autour de vous.