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« Ben non, t’es pas grosse » et autres mensonges de l’amitié
Crédit: Johana Laurençon
Je sais que je ne suis pas grosse.

Objectivement, j’entre parfaitement dans les standards corporels de notre belle société capitaliste et patriarcale. Objectivement, même avec 15 livres de plus, j’entrerais encore dans ces standards.
Or, il m’arrive la plupart du temps de ressentir de la pression pour être encore plus mince. Quand je regarde les Oscars ou quand j’essaie tant bien que mal de faire fitter mon cul taille 6 dans une jupe taille L chez Zara. Et quand mon jeans taille 28 est serré, je regarde mon petit bourrelet de ventre et je trouve ça laid.

C’est pas normal que j’internalise à ce point l’insécurité provoquée par ce que je vois dans les médias et dans la culture populaire.

Si j’avais à résumer mon malaise de façon ridicule, disons que ça me fait chier d’être déçue de ne pas être à l’aise de porter des crop tops. 
 
Mais sais-tu quoi? C’est pas moi qui souffre le plus du fait que je me trouve grosse. C’est mon amie qui est réellement grosse qui en souffre. Il m’a fallu un bout avant de m’en rendre compte, mais les séances de self-hate « Huhu je suis grosse regarde mes cuisses », courantes entre copines minces, ben ça passe pas avec elle (ça devrait pas passer pantoute, en fait, mais ça, c’est un autre combat).
C’est juste un exemple de ce que j’ai réalisé en découvrant l’ampleur de mon privilège de fille mince. Cet article constitue d’ailleurs mon épiphanie.
 
J’ai écrit à mon amie pour savoir si mon privilège l’avait ever blessée, à mon insu. Je voulais savoir comment ajuster mon discours et mes actions avec elle, pour éviter de la blesser malgré moi.
Elle a eu la grâce de ne rien me reprocher directement, mais je souhaite partager avec vous ce qu’elle m’a dit, parce que c’est sensible et éclairant.
 
1. Comme je l’ai raconté plus haut, se plaindre d’être grosse devant une fille grosse, c’est non. Parce que non seulement on est en train de lui dire qu’elle est notre pire cauchemar, on la force ensuite à nous rassurer « Ben non t’es pas grosse, t’es pas laide (comme moi) ». Pas cool.

2. Si tu te sens mal à l’aise devant une fille qui dit qu’elle est grosse en l’assumant, c’est ton problème. Ce serait ridicule de s’entêter à lui répondre, horrifiée « NON NON t’es pas grosse ».

3. Dire à une fille grosse qu’elle a un « beau visage » c’est sous-entendre qu’on trouve que son corps est laid. Alors, tant qu’à l’insulter à moitié et à projeter ton malaise sur elle, dis rien ou dis-lui juste que tu la trouves belle, point.

4. Ici je la cite parce qu’elle a le sens de la formule : « Le concern pour sa santé, à part si elle boit de la graisse dans ta face ou se fait vomir après le repas, c’est ABSOLUMENT NON. »

5. Finalement, selon elle : « Reste que les grosses savent bien qu’elles n’ont pas le monopole des body issues pis mon cul n’invalide pas tes complexes, alors elles doivent faire leur bout de chemin pour pouvoir quand même parler de ces choses-là avec leurs amies regardless of size. »

À la lumière de cette réflexion, je ne peux pas m’empêcher de penser que si j’arrive à avoir avec mon amie une dynamique de respect et d’ouverture lorsqu’on parle d’insécurités corporelles, on pourra toutes les deux finir par nous aimer mieux. 

Et au final, elle et moi pensons sincèrement que l’amour qu’on porte à nos amies ainsi que notre propre acceptation de notre corps constituent de puissantes armes contre une culture qui cherche constamment à diminuer les femmes, physiquement et psychologiquement.

C’est là le pouvoir des BFFs.

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