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Notre critique de « L’Orangeraie » : des mots de guerre qui déchirent le cœur
Crédit: Gunther Gamper

Forte d’une réputation particulièrement enviable auprès du grand public, des critiques littéraires et des donneurs de prix, L’Orangeraie de Larry Tremblay est désormais présentée sur les planches du Théâtre Denise-Pelletier, dans une version scénique aussi froide que poignante.

La première moitié de l’adaptation théâtrale, réalisée par Larry Tremblay lui-même, évoque un pays du Moyen-Orient jamais nommé. Une nation en guerre où les obus traversent le ciel, tuant les grands-parents des jumeaux de neuf ans, Amed et Aziz. Peu de temps après le drame, le guerrier Soulayed rend visite au père des garçons et lui suggère de venger l’honneur familial en sacrifiant l’un de ses deux enfants, à qui il demandera de porter une ceinture d’explosifs en territoire ennemi.

Crédit : Gunther Gamper
Bien qu’on reconnaisse immédiatement la beauté de la poésie du dramaturge, on reste avec l’impression que ses métaphores sur la guerre, la mort, la vengeance, les sacrifices et la famille nous tiennent à distance de la dimension émotive des événements, lorsqu’elles résonnent dans un théâtre, et non dans nos têtes de lecteurs. Il n’est plus seulement question de notre œil d’Occidental qui peine à comprendre comment un père peut oser envoyer le fruit de sa chair vers la mort, mais d’une froideur qui s’interpose entre l’œuvre et les spectateurs.

On se sent davantage interpellé lorsque le moment fatidique approche et que les jumeaux fomentent pour déjouer les plans du père, mais la grande force de L’Orangeraie se déploie principalement lors de la deuxième moitié, alors que le jeune survivant habite maintenant une grande ville francophone d’Amérique. Un lieu où la neige et le froid sévissent à l’extérieur, pendant que son cœur est pétri de remords et de douleurs.

Avec l’aide de Mikaël, un jeune enseignant et metteur en scène, Amed/Aziz arrivera à sortir de sa torpeur, à se servir de la fiction pour raconter sa vérité, à mettre des mots sur son mal. Les échanges entre le jeune immigrant et l’homme de théâtre sont porteurs de sens et de puissance. Alors que le jeune homme secoue son enseignant sur la pièce de théâtre guerrière qu’il a écrite sans jamais l’avoir vécue, le metteur en scène guide son acteur sur le chemin de la résilience et de la libération.

Tous les comédiens de la pièce font preuve d’un talent manifeste, mais la production doit une fière chandelle à Gabriel Cloutier-Tremblay, l’interprète d’Amed, dont la force émotive vient nous happer de façon entière et brutale. En portant les paroles de sagesse de son personnage sur la spirale de la violence et tout ce qu’il a compris de la guerre, le jeune comédien ouvre les portes qui étaient restées fermées en nous durant la première partie, s’empare de notre cœur, le fait culbuter dans tous les sens et nous laisse pantois, les larmes aux yeux et l’âme à jamais chavirée.

Crédit: Gunther Gamper
« L’Orangeraie » sera présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 avril 2016.  
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