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Le Détesteur: «OMG check ça, des chats, c’est trop pour toi ça!!!»
Crédit: Johana Laurençon

Je lisais la semaine dernière un texte qui traite de la manie qu’a l’industrie de la musique pop d’attribuer à ses chansons un seul mot en guise de titre. Un coup d’œil au Top 100 Billboard valide rapidement le constat et démontre également que moins de mots le titre contient, le plus populaire le single sera: 
«Work» — «Hello» — «Pillowtalk» — «Sorry» — «Jumpman» — «No» — «Roses» — «Stitches» — «Don't».

En opposition aux Beatles, par exemple, on suppose que si le groupe avait plutôt œuvré à notre époque, un producteur aurait probablement fait pression pour que «I Want To Hold Your Hand» soit renommée par un titre plus simple à retenir comme «Hand» et pour que le refrain se fasse un brin plus répétitif, du genre «Hand, Hand, Hand, Hand, Hand, I Wanna Hold Your Hand».

Tout ceci serait imputable au fait qu’on vend de moins en moins de disques et qu’on se précipite sur iTunes pour se procurer le single qu’ils viennent de jouer chez Pharmaprix. L’adepte de musique doit donc ainsi pouvoir décoder rapidement que le mot qui lui est balancé à outrance est fort possiblement le titre de la pièce jouée.

Les titres d’un seul mot peuvent aussi servir à introduire ou populariser une expression à la mode qui ne manquera pas de s’imposer  — pour y rester longtemps  — à notre vocabulaire. Je pense ici notamment à P.I.M.P. ou encore à Pokerface.

On veut du slogan, pouvoir s’identifier et capoter rapidement sans avoir à décortiquer si oui ou non c’est un cas évident de capotage. Ça doit être clair, récurrent et facile à retenir. Pas seulement dans la musique: partout. Prenons l’univers du blogue, par exemple. Lui aussi a dû s’adapter. Les titres doivent être précis, exhaustifs; le lecteur doit pouvoir commencer à interagir sur les médias sociaux avant même d’avoir cliqué. Et même s’il ne clique pas: who cares? Le texte qui l’accompagne n’est plus qu’accessoire. La version plus longue d’un titre qui a déjà tout dit. 

Quand je publie un billet qui porte pour titre «Richard Martineau est-il notre Donald Trump québécois?», d’avance je sais très bien que ce seul titre suffira et qu’une lecture complète est par conséquent futile. Martineau étant le bouc émissaire du moment, les gens sont déjà satisfaits de la comparaison avec Trump: pour ce qui est de valider l’analogie, ils me font confiance. Ils ont déjà lu ce qu’ils avaient envie qu’on leur dise, de toute manière. Tout est dans le titre. Un slogan auquel on s’identifie clairement et rapidement. Surtout: un slogan livré au bon moment, alors que Richard Martineau se retrouve au cœur d’une controverse. 

Alors les gens s’empressent de liker, partager et tagger leurs amis: «Maxime Charpentier T’as vu? Martineau le Trump Québécois, trop vrai!».

MOI AUSSI JE PENSE COMME ÇA

On le sait quand les gens ne s’en tiennent qu’au titre. Je n’ai qu’à me pencher sur les fois où dans mes titres j’ai inséré entre guillemets une citation répandue pour la déconstruire dans ma chronique, par exemple: «J’suis trop vieux pour Snapchat, j’comprends rien!». Cette citation n’est pas de moi et à l’intérieur du billet je me moque des gens qui croient être trop vieux pour Snapchat.  Pourtant, ça n’a pas empêché une poignée de gens de tagger leurs amis avec la mention suivante: «Catherine St-Claude, check ça, c’est nous! On n’est pas les seules, ce gars-là aussi trouve qu’il est trop vieux pour Snapchat!!» 

Les gens n’ont plus envie de lire, ce qui les intéresse c’est de pouvoir s’identifier à un slogan. «Regarde François, c’est nous!», «Regarde Marie, c’est pour toi ça!!» 

La semaine dernière NIGHTLIFE.CA mettait en ligne l’annonce de la tenue d’un festival pour les amoureux des chats et c’était certain que les gens allaient capoter dans les commentaires, que tout le monde allait tagger l’ami-e qui tripe sévèrement sur les chats. Vont-ils vraiment y aller? Who knows. Peut-être même pas. Cela dit: ils ont au moins pu façonner leur identité au travers de la section commentaire d’un magazine, de la même manière qu’ils le font quand on leur parle de bacon, d’Éric Lapointe et autres tendances similaires qui ne connaissent jamais de fin. 

Ce qui compte avant toutes choses c’est de savoir que ça existe, apprendre à un ami que ça existe et capoter avec l’ami parce que ça existe et parce que c’est donc bin toi, c’est donc bin nous. Tout le reste est futile, éphémère. Tant qu’on peut fredonner Work Work Work Work Work en exécutant notre ronde matinale de taggage d’amis sous des billets de blogue qui traitent de choses qui nous font capoter un peu trop pour ce qu’elles sont véritablement.

Du slogan.

J’ai souvent l’impression que tout l’internet est en train de devenir une grande vente pyramidale où tout le monde vend sa trousse de départ pour apprendre à vendre sa trousse de départ, mais qu’au final absolument rien n’est vendu. Du vent. Du slogan.

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