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5 «afters» qui ont marqué Montréal et dont on s’ennuie
Crédit: Page Facebook Red Lite

Le milieu du nightlife est un domaine éphémère, particulièrement à Montréal, où l’administration publique n’est pas toujours en accord avec la réputation très « party » de la ville. Il fut un temps où les clubs afterhours étaient plus nombreux qu’aujourd’hui, l’offre ne se limitait pas à deux établissements du Village qui sont presque situés l’un en face de l’autre, et les nuits étaient légendaires. Voici un petit top des cinq afterhours les plus regrettés de la ville.
 
Groove Society
Situé sous l’Olympia, en plein cœur du Village, là où le Parking a vécu ses dernières années, le Groove Society était un club avec une crowd très mixte, et de toutes les couleurs. Pat Boogie, infatigable DJ montréalais, y a mixé quelques années. « Pour moi, c'était l'ultime expérience d'un gros club. Tout était on point… la musique, le décor, la programmation des DJ's. Trois salles, trois ambiances différentes. C'était l'époque où l'underground se mélangeait bien avec la crowd. Tu sentais que les gens étaient venus là-bas pour découvrir des nouvelles chansons! » On pouvait aussi y aller le samedi et le dimanche, dans la journée, alors que l’endroit se transformait en « club de jour » pour les gens désireux de poursuivre leurs démons jusqu’au bout, ou tout simplement pour les gens qui préfèrent une séance de danse à une visite au gym le dimanche matin.

Aria
Il est difficile de nier que cet after, aujourd’hui le Théâtre TELUS, a marqué l’imaginaire collectif montréalais. Reconnu autant pour son ambiance et ses bookings que pour les détecteurs de métal à travers lesquels on devait passer pour y entrer, l’endroit était un must, et les affiches mensuelles font aujourd’hui rêver, car elles sont parsemées de gros noms qu’il serait, à ce jour, impensable d’aller voir dans ces circonstances. Jean-Louis Labrecque, aka King Louis, qui y a longtemps travaillé, en garde de très bons souvenirs : « Je me souviens comme si c'était hier de la journée où le chef promoteur pour lequel je travaillais m'a demandé de lâcher le Aria pour aller travailler au Gravity. J'ai refusé, lui et d'autres sont partis, et c'est pour cette raison que j'ai pu monter rapidement au sein de l'entreprise. » L’anecdote qu’il me raconte résume bien l’esprit de l’endroit : « Un samedi, alors que je m'étais endormi dans le bureau de gestion sur une chaise, mes patrons m'ont barbouillé la figure sans que je m'en rende compte. Ils m'ont réveillé en sursaut en me disant que le DJ qui "closait" la soirée ne pouvait pas se présenter, et que je devais mixer. J'habitais juste à côté, alors je suis parti en courant à 6h30 AM et je suis passé par le stationnement du poste de police adjacent à mon appartement, alors qu'une trentaine de policiers se rencontraient pour faire une grosse descente… Ils m'ont regardé en riant comme si j'étais un extra-terrestre. En arrivant chez moi, je suis passé devant le miroir, hahahaha. À mon retour au club je suis repassé devant les policiers, après m'être nettoyé la face, ils sont repartis à rire, et en arrivant au club, les gars m'ont dit que c'était une blague et que je pouvais aller me coucher. »
 
Jeff Grosse, un promoteur de Boston qui a organisé des événements ici début 2000, sous le nom Diskho, passait ses week-ends dans les afters et se souvient particulièrement de ses soirées au Aria: « Y aller provoquait toujours chez moi une petite décharge d’adrénaline, car on croyait réellement à la possibilité que quelqu’un nous tire dessus dans le line-up. Mais une fois en dedans, tout ça s’évaporait et la magie opérait dès qu’on descendait les escaliers pour entrer dans la salle principale. Mes deux nuits les plus mémorables là-bas sont la prestation marathon de 13 heures de Danny Howells, en juillet 2003, et d’être enfermé à l’étage pendant l’enquête du SPVM suite à un meurtre qui avait eu lieu dans le club pendant que Lee Burridge jouait en bas. »

Crédit photo: Adrian Gittens-Tical

Sona
Ouvert par Tiga en 1996, le Sona est LE club que tout le monde mentionne quand on leur demande quel était l’after le plus légendaire en ville. Peut-être parce qu'il a été ouvert pendant presque dix ans, peut-être parce qu’il a lancé la carrière de Missstress Barbara et qu’il a été la base des premières soirées I Love Neon, ou qu’il fonctionnait encore avec une clientèle savamment choisie à la porte. C’était bien avant Facebook, et la promotion se faisait à l’ancienne, avec des flyers et le bon vieux bouche-à-oreille. Le Sona est mythique pour plusieurs raisons, et j’en conserve moi-même d’excellents souvenirs, des « estrades » de la salle principale, aux toilettes éloignées auxquelles on accédait en traversant le dancefloor de la salle hip-hop.
 
C’est pour ce club et ses invités que la série « Montreal Mix Sessions » de l’étiquette Turbo a été créée. Luc Raymond, un résident des belles années et aussi le signataire d’un des CDs mixés les plus appréciés de la série, n’a rien oublié : « Pour moi, les afters et le Sona en particulier ont marqué un gros virage dans le paysage des clubs à Montréal, parce que ça permettait de continuer la soirée jusqu'au lendemain matin, ce qui n'était presque pas possible avant, contrairement à Toronto ou New York. »
 
« Ça a aussi fait changer la musique, parce que ce qu'on jouait en after n’était pas compatible avec ce qui jouait en club, et vice versa. Plus tard dans la nuit, et dans des systèmes de son plus gros et plus puissants, ça prenait de la musique plus épurée, avec moins d'éléments mélodiques que ce qui jouait avant 3 heures AM. On pouvait jouer davantage sur les textures et les changements d'énergie, sur de plus longs segments. Je pouvais planifier une descente d'énergie sur une heure, sans perdre mon dancefloor. J'allais jusqu'à contrôler un peu la température dans le club, en demandant qu'on ferme des trappes d'air. La température montait et montait, et l'énergie dans le club aussi. Alors quand je sentais qu'on était au plus haut possible, je droppais LA tune du moment, genre Van Helden, et là, le plafond sautait. Fun times! Je suis assez nostalgique de cette époque-là. »

Crédit photo: Facebook / Page Officielle du RED LITE AFTERHOURS

Red Lite
Situé à Laval, le Red Lite a été ouvert pendant presque vingt ans, et a été témoin de bien des folles et longues nuits. C’était une valeur sûre de la rive nord, et tout bon montréalais se devait d’y faire un pèlerinage annuel. Michel Simard, un vétéran DJ et producteur du 514, y a passé de très belles années. « Le Red Lite a été un point tournant dans ma carrière de DJ. Après avoir assisté à mon premier Black & Blue en 1999, j'ai vite compris qu'il fallait que je change d'orientation musicale. Sylvain Gauthier et Benoit Vinet, alors propriétaires du Red Lite, m'ont donné ma première chance comme DJ dans un after. Je me souviens de cette soirée comme si c'était hier. J'étais tellement nerveux que je ne pouvais pas tenir le bras de la table tournante tellement je tremblais. C'était tellement impressionnant de voir 2000 personnes danser devant moi, et de pouvoir jouer la musique que j'aime, contrairement à mes années antérieures où je ne jouais que de la musique de club commerciale. Pour moi, la différence entre les clubs à boisson et les afterhours est dans le choix musical et la clientèle, tellement plus "peace, love & happiness" qu’agressive à cause de l’alcool. Je suis très privilégié d'avoir la chance de jouer encore dans des afters à mon âge. »

Crédit photo: Turbo Recordings

Gravity
Situé sous le fameux Dôme, où était enregistrée l’amusante émission Bouge de là de MusiquePlus, au coin de Ste-Catherine et St-Laurent, le Gravity a été ouvert par Angel Moraes, reconnu pour avoir bâti le légendaire système de son du Stereo. C’est en y jouant pendant un party I Love Neon que Sean Kosa a eu l’inspiration pour écrire « DJ Hell Can Suck my Dick », et le système de son de l’endroit était tellement impressionnant à voir que Tiga y a posé pour la jaquette du vinyle de son single « Pleasure from the bass » en 2006. Ouvert seulement quelques années, l’établissement n’a pas résisté à l’arrivée du Quartier des Spectacles et à ses multiples expropriations, mais on s’en souvient comme d’un endroit qui sonnait presque aussi bien que le Stereo, et qui proposait des invités de qualité (Felix da Housecat, Ivan Smagghe) sur une base régulière.

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