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Le Détesteur: pourquoi j’ai annulé mon abonnement Netflix pour revenir au câble
Crédit: Johana Laurençon

Juste au moment où je venais à peine de ré-adhérer au câble au bout de quatre longues années à le bouder; on m'annonce la fin d'un des shows les plus intéressants à se faire ici : Bazzo.tv.

Un peu avant les fêtes, je discutais de télévision avec un ami à moi qui est pratiquement sur toutes les chaînes payantes au moment de publier ceci. On disait combien au final Internet n'avait pas su répondre convenablement à notre insatiable soif de connaître; qu'il n'était plus qu'une infinie source de distractions qui mine plus souvent qu'à son tour notre disposition à s'éponger le cerveau de connaissances nouvelles. Que l'onglet de liens enregistrés sur Facebook débordait de rendez-vous presque toujours loupés avec la culture, la politique, le cinéma et la littérature et qu'il nous fallait infailliblement obéir à la curiosité dans l'immédiat sans quoi l'espoir de retourner lire ou visionner un document à peine entamé s'amincirait considérablement plus les heures s'écoulent.

La télé, quant à elle, c'est maintenant qu'il faut la consommer ou peut-être bien jamais. Avec elle, c'est pas plus grave que ça de ne pas tout savoir; c'est même inhérent à son concept comme il est impensable de pouvoir syntoniser toutes les chaînes en même temps. La télé c'est: «Ah tiens, un segment littérature! Pourquoi pas.», tandis qu'Internet c'est plutôt: «Ah ouin, t'as pas encore checké Making a Murderer sur Netflix? Crisse, t'attends quoi?».

Internet nous hurle: «Vas-tu VRAIMENT fermer tous ces onglets-là avant même d'avoir jeté un oeil à leurs contenus? REALLY?» alors que le téléviseur s'adapte à notre rythme en nous implorant de prendre ça supra-relaxe. L'un devient une corvée alors que l'autre nous invite à consommer graduellement ce qui nous est proposé sur le moment, mais principalement, à déconnecter complètement des autres distractions.

Et bon, ce qui m'a fait dire non à un renouvellement du câble backindadays, ce sont les gossips et la méta-célébration de nos vedettes queb dont le visage monopolisait chacune des chaînes. Internet allait alors me permettre d'échapper à tout ça en m'offrant une plus grande liberté de choisir.

Ça n'aura au final pris que quelques années pour qu'internet s'approprie ce qu'il y a de pire dans la télévision et le largue dans nos réseaux avec exacerbation x1000. Si en 2012 je tirais un trait (que je croyais définitif) sur ma télé pour toutes les fois où elle avait insisté pour me relater les moindres faits et gestes de Marie-Mai; il est étrange de constater qu'aujourd'hui c'est vers elle que je dois me tourner si j'ai envie qu'on me raconte des trucs pas mal plus pertinents.

Ce qui autrefois appartenait au monde télévisuel est désormais le propre des médias sociaux. Pour preuve: alors que je tape cette phrase, les chroniqueurs arrachent encore leurs chemises à savoir si c'est une bonne ou mauvaise affaire qu'on gossip sur la rupture amoureuse de Marie-Mai.

Mon calendrier indique que nous sommes le mardi 19 janvier alors que l'annonce de leur séparation s'est faite le 7 janvier. BREAKING: le même jour un harfang des neiges a effectué un arrêt furtif pour saluer une caméra de surveillance.

Les gens peuvent bien parler de ce dont ils ont envie. True that. Rien ne me donne la nausée plus que le tabarnack de hockey, mais hey, si toi t'aimes ça, empêche-toi pas d'en jaser sur ton mur pour moi; si jamais je sens que le monde entier m'empêche de respirer avec son festif et agressant «Yesssss 5-4!!», je me trouverai autre chose à faire, c'est tout.

Non, ce qui a fini par me faire suffoquer c'est surtout que les gens qui commentent la rupture de Marie-Mai n'en ont en général rien à câlisser de Marie-Mai. Si au moins ils en parlaient par intérêt. Nope. Si la plupart des commentateurs ont leur grain de sel à déposer sur l'immense plage médiatique déjà bien surabondante, c'est qu'ils ont l'impression qu'ils ne peuvent plus y échapper. C'est ce dont il faut parler aujourd'hui, alors parlons-en, et ceci, même si c'est totalement insipide. L'abandon total : la résistance n'est plus. Même ceux qui d'ordinaire m'auraient feedé de contenu pendant que le monde arrête de tourner pour une star locale ne parlent dorénavant que de Marie-Mai. De manière ludique, qu'ils me diront, mais ils en parlent tout de même.

La télévision est le nouvel Internet. God. Je l'ai dit. C'est comme si tous les deux avaient inversé leurs rôles au cours des dernières années. Ou peut-être est-ce seulement que l'internet avec le temps en est venu à mettre l'accent sur ce qu'il a de plus insignifiant à nous offrir. Peut-être aussi qu'il cherche trop à faire de nous une même et grande communauté homogène, harmonieuse et monolithique.

Ma télé ne s'attarde pas sur un harfang des neiges qui passait par là et encore moins sur la rupture de Marie-Mai. Elle s'en câlisse, ma télé. Mais TOI pourtant tu capotes. Ma télé m'étonne et m'expose, au moment où mon cerveau est le plus disponible, à des trucs qui d'emblée ne m'auraient pas forcément intéressé ou encore que je n'ai pas pu consulter comme je me retrouve de manière incessante à crouler sous les choix. Parce que c'est là et parce que pourquoi pas. Ma télé, à l'inverse de Netflix, ne prétend pas savoir quels émissions et films sont conçus pour moi. Ma télé n'exige pas de tous les blogues de la planète qu'ils s'entendent pour shamer les lecteurs qui ne consommeront pas la même sacrament de série et au plus vite. 

Et puis souvent, il m'arrive de m'enrichir pas mal plus en naviguant sur la télé que sur le web. Et parmi ces émissions syntonisées au hasard, il y avait Bazzo.tv qui faisait tellement de bien à visionner. Tellement de bien d'échapper à ce dont il est de plus en plus improbable d'échapper. Improbable d'y échapper puisqu'il semblerait que tout le monde cherche désormais à être tout le monde. La même personne. 

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