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Le Détesteur: «j’pas xénophobe, mais là ça va faire!»
Crédit: Fabienne Legault

Quand d'atroces maux de ventre me font souffrir et qu'il m'est impossible de leur trouver une explication rationnelle, je panique un peu. Cancer? Fuck, hope not. Fak je google mes symptômes jusqu'à ce que les caca-nerveux du forum Doctissimo valident avec moi qu'il s'agit bel et bien d'un cancer. Mais lequel? Probablement tous. Je sais pas au fond, mais j'ai peur parce que si vraiment ça devait être ça, ce serait la catastrophe.

Alors bon, après quelques jours d'auto-diagnostiques, je décide finalement de prendre rendez-vous avec un médecin. D'ici là, je m'imagine le pire; j'angoisse. Insoutenable.

Dans la salle d'attente, je ne souhaite qu'une chose: qu'on me rassure, qu'on m'annonce que tout va bien et qu'ordonne d'un ton moqueur le médecin de ne plus aller sur Doctissimo. Jamais.

Une fois installé dans le bureau, la pression tombe: tout se déroule tel que je l'avais espéré. Pas de tumeur maligne. Fiou. Rien d'autre que des symptômes physiques engendrés par l'angoisse, rien de trop grave, bien qu'on me recommande de diminuer la consommation de café; certains sont plus sensibles aux effets de la caféine que d'autres.

OUF. Je respire tellement mieux maintenant qu'on m'a communiqué ce qu'il me fallait entendre. Je n'en pouvais plus de vivre dans la peur, dans l'angoisse constante. Le médecin l'a dit: tout va bien, j'ai capoté pour rien. Les scénarios apocalyptiques qui ont infecté mes pensées sont désormais futiles. Je veux bien le croire, il est médecin, je vais le croire.

C'est pas moi qui l'obstinerai de toute manière; déjà que son diagnostique rend ma vie tellement plus supportable tout d'un coup, et surtout, il s'y connaît mieux que moi en médecine. Alors je ferme ma gueule et je prends le prochain métro avec le sourire, avec un sentiment nouveau de légèreté. Je ne vais pas mourir et j'étais venu ici pour qu'on le confirme.

Sur mon chemin de retour, je ne peux m'empêcher de penser à toi, à tes craintes infondées: tsé quand tu nous jures qu'on est en train de perdre le contrôle sur nos droits les plus fondamentaux aux dépens des musulmans? Tsé quand tu penses qu'ils te veulent du mal, qu'ils vont imminemment s'en prendre à ta famille? Tsé quand t'es persuadé qu'ils ne cherchent qu'à t'imposer leurs valeurs et qu'il y a une islamisation qui se manigance contre ton gré?

Je me répète qu'il me semble que si t'étais pas de mauvaise foi, tu souhaiterais certainement la même chose que moi qui souffre de ces affreux maux de ventre: qu'on te rassure. Non? Qu'on te promette qu'au fond tu paniques pour rien. Qu'il te faut, oui, demeurer vigilant, mais qu'il serait absurde de capoter pour le moment et de par ce fait prendre tous ceux qui ne partagent pas les mêmes valeurs que toi pour des terroristes.

Sois honnête: tu ne veux pas que ces terribles scénarios se concrétisent. Tu veux pas ça. Mais on dirait que, contrairement à mon cancer imaginaire, tu te plais à t'imaginer le pire. Qu'on t'apporte de quoi calmer tes angoisses? Bof. J'ai l'impression que t'en n'as pas trop envie, que l'idée que ta vie soit en danger fait même plutôt ton affaire. Comme si le climat actuel, assez confortable, qui ne te laisse présager aucune menace à court ou moyen terme, était un important facteur qui te permettait de fabuler sans pour autant t'amener à en faire de véritables cauchemars.

Tsé, j'ai un peu agi de la sorte quand on m'annonçait que j'allais mourir d'une fin du monde en 2012. Je savais cet événement si lointain, mais pourtant si fatal. J'aimais bien y croire, me faire des peurs. Un tel micro-climat à l'intérieur de ma tête me permettait de prendre une pause, de m'exempter pour un moment du rôle qu'il me fallait tenir en société: les impôts, le loyer, Hydro, tout ça ne faisait soudainement plus de sens.

Il était donc trop tôt pour emménager dans un bunker, mais pas trop pour faire vivre les événements dans ma tête et ainsi alimenter mes craintes en naviguant les divers forums conspirationnistes. La science pouvait bien s'évertuer à infirmer ces théories infondées, je lui faisais la sourde oreille. La fin du monde, je la voulais, mais pas vraiment en même temps.

Mais en tout cas, tout cela n'aura été au final que bénin pour tout le monde. En dehors du gouvernement américain suspecté de comploter sur la mise sur pied d'un gouvernement mondial, aucun citoyen n'a eu à souffrir de mes délires paranoïaques.

C'est seulement que là, ouin, de ton côté, on ne peut pas en dire autant: il y a des gens qui sont coincés dans tes folies imaginaires qui ne leur sont pas très favorables. Et là je ne te dis pas qu'il ne faut pas rester vigilant: il le faut, comme c'est le cas avec toutes les religions. Simplement, pas de là à penser que la dame au hijab que tu croises dans le métro te tranchera la gorge si jamais tu renonces à te convertir à l'islam. Parce qu'à l'inverse de ce que tu penses, il est faux de prétendre qu'on cherche à t'islamiser. On ne te veut pas de mal, CALME-TOI.

Je ne contredis personne non plus lorsqu'il est question d'avancer qu'il serait souhaitable que l'État soit laïque. Mais pas à n'importe quel prix: surtout pas au prix de l'intolérance.

Alors je me demande: mais qu'est-ce qui te motive autant à vouloir vivre dans cette peur irrationnelle et constante sans forcément chercher à ce qu'on te rassure? Comme je le mentionnais plus haut, quand j'en viens à prendre mes maux de ventre pour un cancer, je panique d'abord, mais je cherche avant tout à ce qu'on m'annonce qu'il n'est pas nécessaire de paniquer, que tout va bien aller finalement. Je cesse de lire les inepties alarmistes sur Doctimisso. Parce qu'en réalité, la catastrophe, je veux l'éviter. Pas toi? Et quand on te jure que pour l'instant tu peux te rasseoir et respirer un peu, pourquoi balaies-tu tout ceci systématiquement d'un revers de la main? Serait-ce que ta haine de l'autre est si forte qu'elle ne te permet pas d'entendre quand on te rappelle combien ton discours est xénophobe et invalide?

C'est ça qui me fâche le plus, je crois. T'aimes tellement ça vivre dans la peur, te convaincre du pire. T'aimes ça te mobiliser, entretenir avec d'autres gens une haine partagée d'un bouc émissaire au préalable traîné dans la boue par les médias. Ta mauvaise foi t'amène à préconiser les propos catastrophistes et à rejeter en bloc tout ce qui pourrait te faire déroger de cette intolérance adoptée qui fait câlissement ton affaire. Avoue-le donc.

Je ne vois rien d'autre que la haine comme moteur principal pour expliquer tout ça. Parce qu'autrement, quand vraiment on a peur de quelque chose, on cherche à être rassuré. Ce qui n'est pas du tout ton cas ici et c'est bien pire: tu ne cesses de parcourir les multiples sources xénophobes dans l'espoir d'avoir plus peur encore, d'accumuler les raisons d'haïr encore plus fort. 

Voilà ce que dissimule ton insidieux «J'pas raciste, mais…» que tu nous balances tout bonnement en début de vidéo, juste avant de nous inviter — du haut de tes grands airs patriotiques — à intervenir au plus vite, avant qu'il ne soit trop tard.

Mais ravise-toi: c'est bien contre toi qu'il nous faudrait intervenir. 

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