Le Détesteur: «Elles disent que je suis pas pro-féministe. Qu’elles s’arrangent toutes seules!»

Un lecteur qui adhère depuis peu au discours féministe me laissait savoir en inbox son inquiétude quant à une publication qu'il venait de lire. C'est dans la foulée de la manifestation féministe et non-mixte qu'une militante aurait écrit, découragée, ne plus croire aux hommes qui se disent pro-féministes. Le lecteur se montrait alors déçu qu'on tente de le dépouiller comme ça de son nouveau convoité titre de pro-féministe. Il y voyait une hostilité à son endroit, lui qui se voulait pourtant tout plein de bonne volonté.

«Moi tout ce que je cherche à faire, c'est les aider, mais c'est jamais correct. Qu'elles s'arrangent toutes seules, d'abord.»

Alors cher lecteur, laisse-moi te répondre ici.

En admettant qu'on se montre sceptique face aux hommes qui se revendiquent pro-féministes, ceci t'empêcherait-il dorénavant de partager la vision que tu partages déjà avec les féministes, d'être réceptif à ce qu'elles te communiquent, de constamment te poser des questions et d'en poser à ton entourage? T'est-il réellement indispensable de pouvoir te targuer d'être un allié des femmes pour intervenir à chaque fois qu'un imbécile sur les médias sociaux entretient des propos sexistes? 

Et si on compare: j'assume que tu t'opposes férocement au racisme et à l'homophobie. En admettant que t'es hétérosexuel et blanc, est-il essentiel pour toi qu'on reconnaisse tes efforts à remettre à leurs places les idiots qui ont recours à des propos racistes et homophobes? J'veux dire, si tu ne te vois pas remettre imminemment un trophée par une quelconque association, finiras-tu par t'en laver les mains de toute cette discrimination qui te passe sous le nez régulièrement? Pourquoi alors en serait-il autrement une fois qu'il est question de féminisme?

On n'endosse pas systématiquement la misogyne simplement parce que des militantes féministes s'interrogent sur nos intentions, esti.

Si on me le demande, je réponds que oui, je suis pro-féministe, pour sauver du temps, pour être bref, pour signifier ma position. Autrement, je ne le crie pas sur toutes les terrasses de la ville. Je répète: il ne s'agit pas ici d'un trophée, une conquête, un logo ou un branding. Mon rôle est avant tout d'être à l'écoute. Ensuite, je tente du mieux que je peux de vulgariser l'information qu'on m'a transmise et j'admets quand je crois m'être trompé.

Alors, qu'on me répète que l'homme pro-féministe n'existe pas et ne changera pas grand chose aux idées que je véhicule déjà, aux valeurs qui me sont de toute manière très chères.

Personne ne se voit dans l'obligation de me féliciter de ne pas être un gros crisse de moron sexiste. I mean, ça va de soi. Je n'ai aucune attente autre que celle de voir les gens se poser des questions après avoir lu un de mes textes. Et toi, cher lecteur, c'est ce qui semble pourtant te tracasser, tu voudrais qu'on t'en récompense, qu'on le souligne, sans quoi, il se pourrait que tu fermes oreilles et yeux sur l'immonde, comme si, de façon soudaine, tes valeurs pro-féministes se dissipaient.

Il serait honnêtement plus bénéfique pour toi de te dégoter une activité à travers laquelle tu pourrais trouver valorisation et reconnaissance, ce qui t'éviterait peut-être de jouer les victimes à chaque fois qu'on vise à te faire comprendre que la lutte que tu cherches à t'approprier n'est pas forcément la tienne. 

Pose-toi des questions, n'arrête jamais. Prends conscience de tes privilèges, observe de quelle manière tes amis en bénéficient. Écoute, assimile. Laisse tes certitudes à l'appartement quand on te fait parvenir une idée et rappelle aux misogynes combien ils le sont.

Je te déteste.