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Critique du film «Gurov et Anna»: pari osé mais réussi du réalisateur Rafaël Ouellet!
Crédit: Éric Bruneau et Sophie Desmarais

Anton Tchekhov et sa Dame au petit chien. Gurov et Anna, les deux protagonistes, qui s’aiment avec passion. Leur situation les éloignera l’un de l’autre pour mieux les rapprocher. Le nouveau film de Rafaël Ouellet (Camion) explore la possibilité d’un amour, consommé sans les barrières imposées d’une société de bonne conduite. Un amour plus fort que tout, qui rejette tout du passé pour construire un moment présent. Avec «Gurov et Anna», Ouellet puise dans l’univers de Tchekhov pour livrer une adaptation très libre de La dame au petit chien. Pari osé, mais l’exercice du réalisateur donne au final un objet très intéressant (qui n’ajoutera toutefois rien de beau à ta déprime hivernale).  

Ben (Andreas Apergis), un professeur de littérature à l’université qui enseigne à ses étudiants La dame au petit chien. Mercedes (Sophie Desmarais), une étudiante talentueuse qui se laisse aller au charme de son professeur. Les deux se rencontrent. Les amours compliqués commencent. Il doit assumer en parallèle son rôle de père de famille, marié avec deux enfants. Elle, vivant dans un appart dans le Mile-End, entouré d’un ex (Éric Bruneau) qui devient un ami/confident avec qui elle ne fait même plus de sexe. La légèreté des débuts trop vite perdue. Une situation familiale sépare les intentions de Ben. Mercedes se donne et se protège en même temps. Lui l’étouffe au lieu de lui permettre de s’épanouir. Ben et Mercedes vivent un amour voué à l’échec. Ils se lancent tous les deux dans cette relation interdite les yeux fermés, mais dans la chute, se feront rattraper par l’impact brutal de la réalité. 

L’essence sentimentale qui construit les personnages de Gurov et d’Anna dans la nouvelle de Tchekhov habite Ben et Mercredes. À la différence que, là où Tchekhov ouvre sur une finale aux possibilités d’un amour peut-être heureux, Ouellet se permet de refermer brutalement la parenthèse. Après, on fait l’amour souvent. Tellement souvent que ça finit par être laid. 

Tourné en hiver, la saison enneigée ajoute une mélancolie à cette fable triste. Film en anglais pour Rafaël Ouellet (on y parle un peu français aussi). Une mise en scène sobre avec ses beaux moments. Une musique signée Viviane Audet, Robin-Joël Cool et Erik West-Millette (même gang que Camion) qui enveloppe le film comme un personnage que l’on ne voit jamais. Musique qui quelquefois devient un bémol (mauvais jeu de mots) en appuyant trop sur les intentions émotionnelles d’une scène. Les acteurs (solides) se laissent aller à un jeu de up and down, se métamorphosant assez bien dans leur rôle tchekhovien. Sophie Desmarais toujours bonne (et même très bonne). Andreas Apergis tout aussi bon. Et à ça s’ajoute le jeu remarqué de Marie Fugain en femme trompée. 

Pas super jojo comme film, mais ça coïncide avec le spleen du moment amené par notre hiver de marde qui ne finit jamais. À découvrir même si t’es déprimé. Tu pourras trouver un réconfort dans le malheur des autres en te disant que le tien est pas si pire. 

Gurov et Anna 
En salles dès le 20 mars

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