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«Les fées ont soif»: le théâtre féministe des années 70 reprend du flambeau à Montréal
Crédit: Rémy Savard

Il y a eu un « avant » les femens. Et au Québec, cela prenait notamment la forme d’une pièce de théâtre. Les fées ont soif, qui a déchaîné les passions et soulevé le scandale en 1978, est de nouveau présentée à la Balustrade du Monument National jusqu’au 28 février. Cette pièce issue du théâtre féministe québécois dénonce, par les voix de la Vierge Marie, d’une mère et d’une prostituée, le sort réservé aux femmes à l’époque. Il faut dire que si les propos de la pièce ne donnent aujourd’hui pas envie de sortir hurler dans la rue, Les fées ont soif a bel et bien été au centre d’une polémique à la fin des années 70.
 
Bien que les temps aient changé, certains propos demeurent encore justes – c’est d’ailleurs l’étincelle à l’origine de cette reprise par le Théâtre Du Lys Bleu. Plus de 37 années plus tard, la jeune compagnie théâtrale a même pu bénéficier des conseils de l’auteure et créatrice des fées : Denise Boucher – un geste généreux et significatif.
 
 Un jeu à plusieurs niveaux
Il ne fait aucun doute que les trois comédiennes, présentes sur scène pendant l’entièreté de la pièce, sont heureuses et fières de prendre part à cette pièce maîtresse et marquante du théâtre féministe québécois. Il est malheureusement inévitable de souligner l’inégalité du jeu des comédiennes.
 
D’abord, Ève Gadouas propose une performance incarnée et bien ancrée de la statue (Vierge Marie). Animée jusqu’au fond du regard, la grande blonde capte et retient l’attention du public, même dans les moments les plus poétiques et décalés. Elle offre d’ailleurs une très belle interprétation chantée de La ballade aux oiseaux.
 
Quant à Marie-Ève Bélanger, son appropriation du rôle de la ménagère croît à mesure que la pièce se déroule – ce qui nous donne droit à de très beaux moments et même de presque vraies larmes. La comédienne joue avec précision et retenue (peut-être un peu trop?) son personnage de mère, désabusée et battue.
 
Puis, Marilyn Bastien campe le rôle de Madeleine, une prostituée. Stressée?  Préoccupée? Pas tout à fait prête? Les mots justes manquent pour expliquer la maladresse de la comédienne qui, à plusieurs reprises, manque ses cues d’interprétation de chœur ou semble distante lors des monologues des autres comédiennes. Heureusement, la fondatrice du Théâtre Du Lys Bleu réussit à nous faire oublier le tout en livrant une performance sentie et convaincante lors des scènes du viol et du tribunal. C’est alors que l’émotion passe enfin dans tout son corps et dans son regard pour toucher directement le public patient. Il ne fait pas de doute que les prochaines représentations auront un effet bénéfique sur la prestation de la comédienne – après tout, il s’agissait de la première présentation, nous pouvons bien lui pardonner.    
 
Finalement, tout au long de la pièce, un quatrième personnage s’impose : le texte en lui-même. Fort en images et en revendications, avec juste ce qu’il faut de poésie, le texte de Denise Boucher occupe à lui seul un des principaux rôles de cette reprise de Les fées ont soif.
 
Mise en scène : simple et efficace
La mise en scène de Caroline Binet se caractérise par des clins d’œil amusants et de bonnes idées qui culminent en moments théâtraux réussis. La scénographie articulée crée des univers distincts et nous transporte loin de la petite salle de la Balustrade du Monument National qui donne plutôt dans l’intime et la proximité.
 
 Enfin, l’entreprise était ambitieuse et le défi est somme toute bien relevé. Plutôt que de recréer le tollé, le scandale et la polémique de la présentation de la pièce en 1978, cette version 2015 nous laisse sur une réflexion, une reconnaissance inévitable d’un chemin difficilement pavé par celles (et ceux – il faut bien l’admettre!) qui nous ont précédés.
 
Les fées ont soif
Du 19 au 28 février 2015, 20h30
Balustrade du Monument National
1$ par billet vendu sera versé à la fondation La rue des femmes

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