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SOEURS: l’intime au pluriel dans une mise en scène de Wajdi Mouawad
Crédit: Pascal Gely

Depuis le début du mois de janvier, le deuxième opus du cycle domestique de Wajdi Mouawad fait salle comble soir après soir au Théâtre d’aujourd’hui. SŒURS, c’est la suite de SEULS, un solo interprété, écrit et mis en scène par Mouawad en 2008. 

Habitué à nous dépeindre des héroïnes épiques, cette fois-ci il met en scène une avocate de 50 ans. Cette spécialiste en médiation est en visite à Ottawa pour donner une conférence : « Au volant de sa Ford Taurus, Geneviève Bergeron pleure en écoutant la voix sublime de Ginette Reno : L’essentiel, c’est d’être aimé… »
 
Confinée dans une chambre d’hôtel où il faut dire « light » pour allumer les lumières, Geneviève se retrouvera face à elle-même, face à ses envies qui ne verront jamais le jour, face aux colères qui l’habitent.
 
SŒURS, c’est une pièce sur l’intime, sur la famille, mais surtout sur Nayla Mouawad la sœur du metteur en scène. Cette dernière a servi de matière première à SŒURS. Annick Bergeron, l’interprète de cet essoufflant monologue polyphonique, a regardé des vidéos de Nayla et a été amenée à rencontrer cette dernière à de multiples reprises. SŒURS, c’est la rencontre de Nayla et d’Annick, ces deux sœurs qui ne se connaissent pas, mais qui partagent une tempête intérieure. Jamais dérangeantes, les projections viennent meubler l’espace et ajoutent une touche intéressante à l’atmosphère onirique et au décor de l’hôtel.
 

(crédit : Pascal Gely)

Dans le texte, on reconnaît bien la poésie de Mouawad. Par exemple, son amour de la mythologie grecque par l’allusion au mythe du Minotaure, comparant le langage au fil d’Ariane qui devait aider Thésée à ne pas se perdre dans le dédale. On se voit dans le personnage de Geneviève qui chante du Ginette Reno en voiture. Interrompue par un appel téléphonique de sa mère, on assiste à un moment d’incommunicabilité entre ces deux femmes. Une conversation ironique venant d’une médiatrice, mais tellement touchante de vérité.
 
Et puis, je dois le dire, j’ai pleuré. C’est assez rare que je verse une larme lorsque je suis entourée d’êtres humains, mais la performance sans faille d’Annick Bergeron en Layla parlant au téléphone à la mère de Geneviève m’a touchée. « Ce mot que vous venez de me dire. Vous devez le dire à votre fille. Même si vous lui avez déjà dit. »
 
Cette incommunicabilité, cette incapacité de dire les vraies choses… on en est tous touchés. Nous sommes à une époque où les médiums de communication pleuvent, pourtant nous sommes incapables de se parler réellement. C’est inquiétant, non?
 
À la fin de la pièce, j’ai décidé d’utiliser le langage doré, ce fil d’Ariane dont Geneviève Bergeron nous parlait sur la scène du théâtre d’aujourd’hui, et de dire à ma mère que je l’aime.
Elle m’a répondu « Est-ce que tu vas bien. »
Le fil était rompu.
 
SŒURS
Théâtre d'aujourd'hui
Jusqu’au 7 février 2015

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