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Le mot de la rédactrice: pardon.

La planète Charlie a encore tourné cette semaine et j'ai hésité avant de sélectionner ce mot, pour ne pas tomber moi aussi dans le piège de la récupération médiatique ou politique (devons-nous vraiment revenir sur cette honte nationale de Nicolas Sarkozy s'invitant sur une photo officielle pendant la Marche?). Mais difficile de passer à côté avec la parution tant attendue du Charlie Hebdo post-attentat, mercredi. On parle d'ailleurs de ce qui serait «le plus important tirage de la presse d'information française». En effet, généralement imprimé à 60 000, Charlie Hebdo a été tiré, pour ce numéro historique, à plus de 5 millions d'exemplaires en France et les copies se sont volatilisées à la vitesse de l'éclair. Le Québec recevra ses exemplaires aujourd'hui (on parle de quelques milliers), mais ceux-ci ont déjà été réservés par des clients. Les quantités distribuées ici ne seront donc clairement pas suffisantes. Avez-vous réservé la vôtre? Moi, oui.

Mais revenons à cette couverture.

Qu'en avez-vous pensé? Je ne vous apprends rien en vous disant qu'on y voit le prophète Mahomet versant une larme et tenant une pancarte avec le dorénavant populaire slogan historique de soutien aux victimes de l'attentat: «Je suis Charlie». On peut lire en titre: «Tout est pardonné». Le tout sur fond vert.


Mahomet en une du «Charlie Hebdo»

Toute la semaine, j'ai cherché dans différents médias et discuté avec des amis et collègues pour entendre ce qu'eux avaient compris de cette couverture. Je voulais savoir si j'avais fait la bonne lecture de la caricature de Luz.

Il me semblait prévisible de retrouver le prophète Mahomet dessiné. Quoi d'autre dans les circonstances? La rédaction de Charlie Hebdo tenait certainement à montrer au monde entier qu'elle ne cède pas à la peur et qu'elle continue de défendre la publication de ses caricatures au nom de la démocratie, de la laïcité et de la liberté d'expression. A contrario, cela soulève la question fondamentale suivante: au nom de la liberté d'expression, peut-on tout dire, tout faire, tout dessiner? Au moment d'écrire ces lignes, de violentes manifestations dénonçant Charlie Hebdo se déroulent au Pakistan et on a aussi condamné la publication des caricatures un peu partout dans le monde musulman en Jordanie, en Algérie, au Qatar, en Palestine, notament.

Seulement, la couverture du Charlie Hebdo semble plutôt envoyer un message unificateur et pacificateur.

Certes, les interprétations sont nombreuses et le message envoyé par le titre «Tout est pardonné» peut être multiple. Qui pardonne à qui et à quoi? Est-ce Mahomet qui pardonne aux caricaturistes du Charlie Hebdo de l’avoir dessiné? Ou plutôt la rédaction de Charlie qui pardonne aux auteurs de cette barbarie, leur geste insensé? Ou encore, est-ce le prophète qui pardonne à ses fils ces actes de violence ultime et qui fait appel lui-même au pardon de la population? Tout cela à la fois, je crois. Mais dans tous les cas, on y parle de pardon.

Si nous y allons élément par élément, en arborant le slogan «Je suis Charlie», l'auteur de la caricature souhaitait certainement que Mahomet envoie un message de solidarité envers les victimes des attentats et la population en général. Trois mots qu'on pourrait traduire par: «Je suis pour la paix». «Je ne suis pas un terroriste». «Je suis contre la violence». «Je ne suis pas d'accord avec ce qui s'est passé». Sans tomber dans le sentimentalisme, je pense qu'il s'agit d'un message d'apaisement, qui invite à désamorcer les préjugés contre l'islam, contre le racisme et contre les amalgames faciles à établir entre musulmans et extrémistes religieux. Même Mahomet est Charlie! L'image est forte de signification. 

La larme, qui coule le long de sa joue, humanise le chef religieux. Mahomet pleure. Il a de la peine. Cette larme nous rappelle que lui aussi est humain. On a presque l'impression qu'il marche à nos côtés dans la rue et qu'il appelle au pardon.

Le fond vert, couleur associée à l'islam oui, mais aussi à l'espoir, suggère selon moi un message de résilience et de lumière et ouvre la fenêtre sur la suite des choses. À quoi ressemblera l'avenir? Il faudra que l'après-attentat-Charlie-Hebdo soit ponctué de beaucoup d'amour. Regardons devant maintenant! Trouvons des solutions pour éviter que cela ne se reproduise. Rappelons-nous que ces actes barbares ne sont pas le reflet de l'islam dans son essence et sa pratique, mais le résultat de ratés sociaux et d'individus en grande détresse, souvent vulnérables et facilement endoctrinables. Parallèlement, des enjeux géopolitiques complexes motivent souvent ces actions orchestrées et financées par des organisations terroristes. Ce qui s'est passé à Paris, le 7 janvier 2015, va bien au-delà du religieux et même de la liberté d'expression.

Mais avant tout pour continuer; le pardon.

J'ai lu quelque part: «Qu'y a-t-il que le pardon ne puisse résoudre?».

Et vous? Qu'en pensez-vous? Quelle a été votre lecture de la une du «numéro des survivants» du Charlie Hebdo?

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