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«Deux jours, une nuit» propose une fable sociale bouleversante et une Marion Cotillard éblouissante!
Crédit: Métropole Films Distribution

Au cours des derniers mois, les cinéphiles québécois ont beaucoup parlé d’une maman héroïne, la Die de Mommy, prête à se battre jusqu’au bout pour protéger un fils hyperactif et carrément incandescent.  Or, une autre guerrière de premier ordre a également vu le jour en 2014 grâce au septième art. Opérant dans un registre à mille lieues du tourbillon émotionnel haut en couleurs de Dolan, la Sandra des frères Dardenne (L’Enfant, Le Gamin au vélo) est une ouvrière belge particulièrement fragile, s’apprêtant à tourner la page sur un congé de maladie lorsqu’on lui annonce qu’elle se fait licencier. Le patron de l'usine a imposé un choix qui n’en est pas un à ses seize collègues: une prime de mille euros ou le retour de Sandra au boulot. Au lieu de baisser les bras et d’encaisser le coup, Sandra va plaider sa cause auprès de chaque collègue pour tenter de convaincre la majorité d'entre eux de revoir sa décision.

Interprétée de façon magistrale par Marion Cotillard, Deux jours, une nuit suit Sandra au fil de face-à-face compatissants ou tendus, de confrontations ponctuées d’une pluie de «mets-toi à ma place», témoignant d'une situation particulièrement épineuse. «Chaque fois [que je vais à leur rencontre], je me sens comme une mendiante, comme une voleuse qui prend leur fric», râle Sandra, alors qu'elle remet en doute toute son opération séduction. Avec énormément de finesse, les frères Dardenne livrent un constat réprobateur quoique teinté d'optimisme sur notre époque, avec cette immersion dans une petite communauté où il n'y a pas de bons ou de méchants, tous ayant des raisons tout à fait légitimes pour ne pas refuser cet argent. Nightlife.ca a rencontré les frères Dardenne en septembre dernier au TIFF pour discuter de l'obsession de notre époque avec la performance et de la grande générosité de Marion Cotillard.

Nightlife.ca: L’élément déclencheur pour Deux jours a été ce fait divers à propos d’un ouvrier français chez Peugeot écarté de son équipe car jugé «non-performant». À partir de là, comment en êtes-vous venus à donner vie au personnage de Sandra?
Jean-Pierre et Luc Dardenne: En lisant ce fait divers, on a imaginé une femme qui allait changer un vote. C’était ça, le film, pour nous. Renverser une situation de non-solidarité en situation de solidarité en disant que la proposition du patron est quand même un peu dégueulasse. C’est une femme qui sort de sa maladie, qui n’est pas vaillante, elle apprend cette terrible nouvelle, ça la couche et elle va devoir se relever. Au bout du compte, il faudrait qu’elle puisse dire: «on s’est bien battus, et je suis heureuse.» On est partis de là.
 
C’était important pour vous que le scénario fasse écho à la crise économique qui a balayé l’Europe en entier?
En fait, les premiers balbutiements de l’histoire et l’inspiration du fait divers, c’était en 2000. On a continuellement essayé d’écrire le scénario, mais ça ne marchait pas. C’est finalement à cause des conséquences sociales de la crise économique qu’on s’est remis au travail.
 
Parlons de cette scène foudroyante où un des collègues de Sandra éclate en sanglots devant elle. Il s’agit d’un très grand moment de cinéma, à la fois bouleversant et carrément inattendu. Sachant que vous filmez en plans-séquences [NDLR: sans changement de caméra ou de coupe au montage], comment s’est déroulé le tournage de cette scène particulièrement difficile?
On a fait 42 prises! Donc on a répété avant le tournage pendant un jour ou deux. Au tournage, c’était très difficile pour lui, parce qu’il doit monter très haut dans l’émotion, et il doit parler… Ça a pris du temps… Il y a eu quelque chose en plus de toutes les autres prises qui l’ont précédée, parce que celle-là, c’est la dernière, la quarante-deuxième. Et il est lui-même un peu débordé par ce qui se passe. Marion a été très généreuse avec lui, parce que c’est un moment très difficile. Et c’est formidable.
 
Marion a fait savoir à la presse cannoise qu’elle rêverait de faire partie de votre grande famille d’acteurs, au même titre que Jérémie Renier ou Olivier Gourmet. Quant à vous, que retenez-vous le plus de votre collaboration avec elle?
Marion est une très grande actrice; vous l’avez vu. Et lorsqu’il y a un climat de confiance qui est établi dans le travail, elle ne revient pas en arrière. C’est quelqu’un qui s’abandonne dans les répétitions, elle disait: «donnez-moi ce que vous voulez.» C’est quelqu’un de très généreux, qui travaille tout le temps. Elle n’est pas au service de son image, mais au service du film et de son personnage. Ça, pour une star, c’est remarquable. On a une confiance absolue en elle.
 
Deux jours, une nuit
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