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Le Détesteur: pour en finir avec «C’est l’homme qui paie!»
Crédit: Émilie Deshaies

L'année qu'on vient d'enterrer a su se montrer riche en listes de choses à faire pour améliorer sa relation de couple, pour plaire au lit ou encore pour se ramener plus de filles dans un bar. Comme si tout ceci n'était pas déjà suffisamment rétrograde et débile, il fallait qu'on retrouve dans le lot ces fameux billets qui doivent se faire remarquer, année après année, et qu'on aura probablement l'occasion de côtoyer une fois de plus en 2015, ceux qui portent pour titre:

Premier rendez-vous? C'EST L'HOMME QUI PAIE!

Je conviens qu'il existe des gens, homme et femme, qui préfèrent se prêter à la game et pour qui le pouvoir est une arme de séduction. Soit. Si ces gens existent, qu'ils existent autant qu'ils le souhaitent. Le problème ici c'est qu'on nous a toujours présenté cette game comme universelle, un standard, une règle tacite qui doit être respectée à la lettre sans quoi la réputation peut y goûter.

Dans ce genre de papier, on se réfère toujours inévitablement à l'homme-garçon, celui sur qui on n'en peut plus de tomber, parce que la femme, toutes les femmes, méritent un mâle, un vrai, un gentleman. Pas un enfant qui joue à la Xbox One. Un homme, grand, costaud qui doit se conformer à une tonne de règlements non écrits.

Dans un billet de blogue ou à la télé, les gens qui adhèrent à cette pensée ont le fâcheux réflexe d'omettre «Je trouve que…» ou «Moi, personnellement, c'que j'aime chez le sexe opposé c'est…» avant d'étaler leurs préférences. Mais ont-ils vraiment à le faire? Cette mentalité est ancrée dans la culture populaire et donc très rarement réprimandée.

On a qu'à jeter un oeil aux jeux de séduction sur V Télé, où on ne sélectionne que des candidates qui prennent des yeux d'assassin à chaque fois qu'elles entendent dire qu'un gars, quelque part dans le fin fond de la Gaspésie, n'a pas payé pour les consommations de sa date, dans un bar, en 2002.

On nous propose la femme comme un bloc monolithique, comme si elles étaient toutes la même, celle qui non seulement accepte, mais demande à ce qu'on l'infantilise. Celle qui réduit à de la merde tous les hommes qui ne correspondent pas à ses attentes personnelles.

Celle qui, pendant que plus personne ne peut se permettre de lever le nez au progrès, se le permet. On le lui permet, la télé le lui permet. Les hommes le lui permettent et s'y plient.

On nous montre la femme comme une capricieuse assoiffée d'argent et de pouvoir qui cherche son alpha et on l'accepte ainsi, sans jamais remettre en cause. Les femmes sont comme ça, qu'on nous répète. Alors on s'adapte aux femmes, sans même se questionner à savoir si elles sont vraiment toutes pareilles.

Pis des fois, quand l'une de celles qui jouent au jeu s'est frappée à 3-4 dudes qui n'avaient pas en tête de payer au premier rendez-vous, on a droit à un billet supra-méprisant et réducteur (autant pour l'homme que pour la femme) dans lequel on demande aux hommes de prendre des notes, de s'ajuster, parce que c'est comme ça que ça fonctionne avec les femmes et pas autrement. Et bonus: on suggère à l'homme à quoi il devrait physiquement ressembler!

La femme peut être tout ceci, capricieuse et assoiffée d'argent, si elle le veut. Comme l'homme peut décider de se prêter à la game lui aussi. Tel que mentionné plus haut, il faudrait toutefois leur faire comprendre qu'il existe une vie en dehors de tout ça, qu'il y a des hommes et des femmes qui n'en ont absolu rien à câlisser de ces manières et qui ont choisi d'opter pour le progrès.

Il ne sert donc à rien de tenter d'imposer ces valeurs à quelqu'un qui a choisi d'avancer plutôt que l'inverse.

Je vous déteste.

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