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10 choses qu’on a apprises sur Quentin Dupieux (alias Mr. Oizo) au Festival du nouveau cinéma
Crédit: ŠZMIMI Photography / Festival du nouveau cinéma, 2014

Tout un moineau, ce Quentin. Que tu le connaisses pour son vaste répertoire d’électro démentielle (sous l’alias de Mr. Oizo) ou pour ses films jouissivement absurdes (Wrong Cops, Rubber), le musicien et cinéaste français a peaufiné une signature artistique étourdissante, qu’il ne faut jamais trop chercher à intellectualiser, au risque d’en perdre complètement les pédales.  
 
Dupieux, qui habite à Los Angeles, était de passage à Montréal le week-end dernier pour un show à la SAT (son cinquième album, The Church, paraîtra sur Brainfeeder le 18 novembre) et pour présenter son cinquième long métrage, Réalité, en première nord-américaine au Festival du nouveau cinéma. Il serait très périlleux de résumer tous les récits entrecroisés de ce «métafilm» aux innombrables mises en abîme. Contentons-nous de dire que la trame principale repose sur un caméraman assez nono (Alain Chabat) qui s’affaire à l'écriture d’un film d’horreur dans lequel des ondes de télévisions méchantes «suçent l’intelligence des gens» jusqu’à les tuer en les faisant «crammer de l’intérieur». Son producteur mégalomane embarque, à condition que les gémissements de douleur des personnages lui valent un Oscar.

S’ajoutent à ça un animateur d’émission culinaire déguisé en rat qui se gratte compulsivement devant les caméras, ainsi qu’une gamine du nom de Reality qui aperçoit une cassette VHS dans les entrailles d’un sanglier disséqué. Courage pour la suite… Vendredi dernier, Quentin Dupieux s’est livré en toute candeur à l’Université Concordia devant une salle de cinéphiles qui avaient une montagne de questions à lui poser. Voici 10 petites perles de ce Q&A très participatif:

 
1. Dupieux a comparé sa collaboration avec Alain Chabat à une suprême baise.
«Alain était pour moi une sorte de climax dans le panel des acteurs français d’aujourd’hui. C’était vraiment un rêve. J’ai grandi avec Les Nuls et il n’y a rien de mieux qu’Alain Chabat en France pour moi. J’étais absolument comblé; c’était comme si j’avais baisé la plus belle nana du collège.»
 
2. Il décrit sa musique comme «une pollution» pour ses propres films. 
«Wrong Cops, c’était une façon d’en finir pour de bon avec ma musique dans les films. Pour beaucoup de gens, c’est du bruit. Moi je la comprends, et il y a beaucoup de gens qui aiment cette musique, mais je sais que pour une grande partie de public, c’est vécu comme une agression et une pollution. J’ai fait Wrong Cops pour vider mon sac et mettre toute ma discographie dedans. L’idée était de ne plus jamais polluer mes films avec cette musique qui est rigolote, mais qui ne fait pas du bien.»
 
3. Il aime se perdre en forêt.
«Je suppose qu’il existe des méthodes pour écrire des scénarios parfaits, mais comme moi je cherche l’inverse, la perfection ne m’intéresse pas. J’aime me perdre en forêt, ne pas savoir où je vais.»
 
4. Il trouve ennuyeux d’imposer une seule lecture de ses films au spectateur.
«Globalement, je n’ai pas de message, je n’ai pas envie de vous faire comprendre quelque chose. J’ai juste envie de vous distraire pendant une heure et demie autrement qu’avec des mecs qui glissent sur des peaux de banane. Tu connais Dora pour les enfants? Alors moi, je fais Dora pour les adultes.»
5. Son autocritique de Réalité: il a trouvé ça un peu long.
Puisque c’était la première fois qu’il visionnait le film avec un public, et qu’il ne l’avait pas vu depuis plusieurs mois, il nous a fait part de son autocritique. «J’ai trouvé ça un peu long, mais c’est le défaut de la plupart de mes films. Après, on peut décider si c’est un défaut ou non. Mais ce soir, j’aurais aimé que le film se déroule un peu plus vite parce que ce qui est intéressant, je pense que c’est la deuxième partie.  En tant que spectateur, je me disais: ‘‘il aurait pu accélérer un peu le processus.’’»
 
6. Il a trouvé Inception très, très prétentieux.
«C’est un des films les plus ennuyeux des dernières années. Chris Nolan est un super réalisateur et les effets spéciaux sont vraiment formidables, mais c’est tellement bête, stupide et sérieux comme film. J’espère que [Réalité] n’est pas prétentieux comme Inception. C’est ma limite de tolérance du cinéma américain, où tous les acteurs sont sérieux, et où il y a un mec qui vient expliquer le principe du film tous les quarts d’heure pour rassurer les spectateurs.»
 
7. Il préfère de loin la vision des rêves prônée par Luis Buñuel, maître espagnol du surréalisme.
«La globalité de mes films, ce sont des références à ces mecs-là [Luis Buñuel et David Lynch]. Ce ne sont pas des références volontaires, mais ce sont des mecs que j’aime, qui m’habitent. Tout dans [Réalité], par exemple, est une référence à Luis Buñuel sans que je ne le sache. Parce qu’il a fait des films sur les rêves qui étaient formidables.»
 
8. Il ne retravaille pas avec la même «famille» d’acteurs de film en film.
«Quand ça devient des amis, parfois c’est très compliqué. Je ne voudrais pas tomber dans cette mécanique épuisante. Le meilleur exemple serait Alain Resnais, et tous ces vieillards qui font tout le temps ses films. Il y a un truc épuisant de voir Sabine Azéma qui joue la folle. On n’en peut plus, on l’a vue 950 fois, et je ne veux pas tomber là-dedans. Quand tu as une famille d’acteurs, c’est ça qui se produit, tu ne prends plus de risques, il n’y a plus de mise en danger, il n’y a plus de séduction avec les acteurs.»

 
9. Ne pas s’attendre à un long métrage avec Flat Eric, la marionnette jaune indomptable du vidéo-clip Flat Beat de Mr. Oizo.
«C’est vraiment un personnage génial, mais c’est très compliqué d’en faire quelque chose d’intéressant. La vraie difficulté, c’est qu’il ne parle pas. C’est un autiste, il n’a que des réactions face à ce qui l’entoure. Puisqu’il ne parle pas, il faut qu’on voit ce qu’il imagine, parce que sinon, c’est juste un bout de fourrure qui gigote. C’est tordu, c’est un boulot de monstre. Quand tu dois montrer qu’il est étonné, par exemple, ce n’est pas évident.»
 
10. Dupieux pense au spectateur au moment du montage.
«J’ai compris ça il n’y a pas longtemps. Au scénario, on ne fait pas un film; on écrit. Après, quand on tourne, on fait des plans, on exécute de petites missions quotidiennes, du genre ‘‘n’oublie pas de faire l’insert de la poignée.’’ C’est au montage qu’on fait un film; c’est à ce moment-là que je pense au spectateur.»
 
Festival du nouveau cinéma
Du 8 au 19 octobre 2014 | nouveaucinema.ca