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«Sors-tu de chez toi, des fois?» #introvertprobs
Crédit: Émilie Deshaies

Ton inbox pop. Pas de salut, rien. C'est une amie à qui tu n'as pas parlé depuis des mois pis elle se rend straight au point: «Sors-tu de chez toi, des fois?».

Difficile de ne pas se sentir attaqué; cette question est clearly rhétorique. Une idée déjà toute faite. Non seulement elle ne nécessite pas de réponse, mais elle se veut aussi arrogante, intrusive que moralisatrice. La pire à poser à un introverti qui te voit venir à des années-lumière, parce que des interlocuteurs comme ça, il en a connus d'autres pis God sait qu'il les déteste.

Je suis un introverti à qui on a trop posé cette sournoise question et il m'est jusqu'à ce jour impossible de comprendre les intentions de ces gens qui la posent. C'est qu'elle ne s'arrête jamais là; elle accompagne généralement une investigation, un rigoureux suivi; il y a une obsession creepy chez ces gens qui semblent vouloir te faire prendre conscience que t'es une larve qui ne câlisse jamais rien de sa vie.

On m'a fait le coup, récemment. J'ai répondu que je n'étais en réalité jamais chez moi, parce que, c'est vrai, l'appartement est plus souvent qu'autrement vide d'humains. Mais cette réponse n'est jamais satisfaisante pour ces gens qui montent un dossier exhaustif sur tes hobbies de fin d'soirée. Parce que hey, tu ne te retrouves jamais aux mêmes endroits qu'eux, c'est que forcément, tu te morfonds sur ton divan, manette de Xbox 360 à la main et avec l'autre tu roules ton quatrième joint.

C'est ça qu'ils veulent entendre et ne sont pas près de lâcher prise. J'ai appris qu'il y avait investigation sur mon cas quand des amis sont venus à moi pour m'interroger sur mon moral. Étonné de cette question, j'ai demandé sur quoi pouvait bien être basée cette inquiétude et c'est là qu'on m'a répondu: «C'est Sophie (prénom fictif), man. Elle n'arrête pas de dire que tu sors jamais de chez toi.»

Le plus inquiétant, c'est qu'en plus d'avoir tort, je ne la connais que très peu, cette Sophie. Elle présume: «T'es toujours connecté sur Facebook, tu laisses pas trop trop l'impression qu'il t'arrive de sortir de ta grotte, tsé.» Parce qu'évidemment, pour apparaître en ligne sur Facebook, il faut impérativement être installé devant un ordinateur de bureau 24h/7j.

Je sais aussi qu'elle est préoccupée de façon malsaine par mon utilisation de Facebook, si je me fis à sa sporadique: «Coudonc, passes-tu ta vie sur Facebook, toi?» — Notons que: «Dors-tu des fois?» s'ajoute également à la liste.

Et vient le moment de tomber sur Sophie, dans un bar. C'est plus fort qu'elle: «WOW, vous avez FINALEMENT réussi à le faire sortir de chez lui! My God…» — Elle n'a donc rien compris. Je l'ignore. Je la déteste. Rien à faire avec ces gens-là. Ils en font une obsession et creusent comme si vraiment, c'était important de chercher à savoir comment le monde entier occupe ses temps libres.

Et si c'était le cas, que je ne sors jamais de chez moi, ça ferait quoi? Parce qu'il fut un temps où, oui, mes entières journées se déroulaient à l'intérieur. Mais je répète: ça câlisse quoi? Pourquoi c'est SI important de lever le voile sur l'intimité des gens? C'est quoi cette tabarnack d'obsession?  

Je suis un introverti et il m'est indispensable de passer énormément de temps, seul, avec moi-même, pis on ne pourra jamais être amis, Sophie. T'es intrusive, sournoise pis t'en demandes trop. T'es la p'tite madame fouineuse qui profite de l'absence de ses voisins pour aller s'coller l'nez dans la porte patio et ainsi pouvoir rapporter aux autres voisins c'que tu penses y avoir découvert.

Je n'ai aucun compte à te rendre, Sophie.

Je te déteste.