Victime de la porn: la laideur chronique

C’était la mode des faux comptes cette semaine. Lagacé en a parlé, Murphy aussi. Ça tombe bien parce que des histoires de fausses identités, j’en ai pour remplir trois romans. Trois romans un peu pathétiques.

Curieusement, c’est souvent du monde frustré sexuellement.

Le plus triste et le plus typique, c’est cette pauvre personne à la laideur chronique. Impopulaire au niveau sex-appeal dans la vraie vie, elle essaie de scorer en ligne sous une fausse identité. La stratégie est cruelle.

Si ça finit par cliquer avec quelqu’un, c’est impossible de vivre sa connexion. Rendu là, t’es pogné pour tout avouer. Ça ne peut se terminer qu’en échec. Un échec humiliant. Il y a une fille qui m’a déjà essayé trois fois sous trois identités différentes. Toujours des filles cute, évidemment. On donne toujours une chance à une fille cute.

C’est triste, mais il y a pire.

Ma chummey Bernadette (ai-je besoin de préciser que c’est un nom fictif?) sortait avec un gars jaloux. Jaloux psychopathe, genre. Le gars acceptait déjà mal que Bernadette soit amie Facebook avec des gars célibataires, mais pour les gars matchés, notre cinglé se créait un faux profil de pitoune. Ensuite, il friendait tous les amis matchés de Bernadette pour les cruiser. Quand un des gars matchés avait une fidélité chambranlante, notre fausse pitoune les blackmailait pour qu’ils unfriendent sa Bernadette.

Calvaire. Moi qui suis le genre à domper une fille parce qu’elle check mon historique. Je ne réagirais pas bien, je pense. Mais il y a pire.

Une lectrice m’a écrit durant trois mois à trois-quatre courriels par semaine. Elle me posait des questions pour apprendre à me connaître et moi, je répondais comme je réponds à peu près à tout le monde. De temps en temps, elle m’envoyait une photo d’elle à poil.

C’est le genre de truc qui peut attirer l’attention, mais c’était tellement random, et comme on ne voyait jamais sa face sur les photos, je restais plutôt passif. Avoir une belle face, c’est quand même la base.

Toujours est-il qu’un moment donné, je reçois vers 4h du matin un message de la « fille ». Gros dénouement qui ne surprendra personne : c’était un gars. Mais il y a pire.

Clairement sur la brosse, le gars se met à déballer son histoire folle. Il raconte que quelques mois auparavant, il s’était fait larguer par une fille qui, paraît-il, s’intéressait à moi. (On la comprend. Je suis irrésistible.) En gros, le gars m’écrivait depuis des semaines pour comprendre ce que j’ai qu’il n’a pas. (Hm, de l’amour propre?) Dans la catégorie « indice qu’il est temps que tu décroches de ton ex », ç’en est un bon. Mais il y a pire.

Les photos de la fille nue que le gars m’envoyait, c’était les photos de son ex. (!!!) Dans son plan de gars creepy caché dans son sous-sol, j’étais censé reconnaître le corps de la fille. Gros flop, vu que je n’ai jamais allumé. Mais bon, en recheckant les photos, je finis par reconnaître la fille (que je ne m’étais même pas pognée) et je l’avertis donc sur le champ que son ex bizarre envoie des photos d’elle sur le web.

La fille capote. (On la comprend, je l’ai vue toute nue.)

Elle appelle chez le gars et tombe sur la NOUVELLE blonde du gars. (Oui oui, le gars s’est pogné une autre fille, mais obsède quand même sur celle d’avant.) Après s’être jasé, les deux filles effacent toutes les photos sur l’ordi du gars et ensuite, il se fait crisser là pour une deuxième fois.

Bien joué, champion. Comment se tirer dans le pied avec un gun à clous rouillés.
Mais bon, même dans cette histoire ridicule, les dommages à ma personne sont assez limités. Je ne me suis jamais vraiment impliqué. Quand quelqu’un m’intéresse, il y a des trucs assez simples pour éliminer 99% des arnaqueurs.

Juste en demandant une photo, la plupart des crosseurs sont fourrés. Pas n’importe quelle photo. Les crosseurs ont toujours une banque de selfies à portée de main. L’ultime truc, c’est d’en demander une un peu plus spéciale.

Une photo où l’autre fait une arabesque, ou se pince un nipple, ou touche sa langue avec son nez. (Ou les trois en même temps.) N’importe quelle pose particulière que l’autre doit envoyer maintenant. D’habitude, c’est là que l’autre sort un truc comme « Oh, ma caméra vient juste d’exploser! » et vous avez pas mal votre réponse.

Avec le nombre d’histoires louches qu’on entend, le fardeau de la preuve revient au prétendant. En plus, c’est une excellente excuse pour demander plein de photos de plus, ce qui évite bien des déceptions plus tard.

Mais bon, il faut quand même se servir de sa tête. Si tu tombes sur une babe exotique qui se doigte sur Skype après trois minutes, pose-toi des questions.
Quand c’est trop beau pour être vrai…

D’ailleurs, c’est ça le plus triste dans tout ça : à c’t’heure, quand du monde cute nous contacte sur le web, on part avec l’idée que ça doit être une arnaque. Un beau jour, Shakira et Emily Ratajkowski vont se tag-teamer pour me proposer un ménage à trois décadent, et moi, je vais les snober en me disant que c’est un épais de 14 ans.