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La pièce «Saint-Jude du Village» aborde homosexualité, sida et stigmatisation avec pertinence et sensibilité
Crédit: Saint-Jude du Village

Encore actuel. Trop actuel. Voilà l’impression avec laquelle on ressort de Saint-Jude du Village, la pièce de théâtre présentée à la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts, en marge des célébrations de la Fierté.

Présentée l’année dernière dans sa version anglophone (intitulée Holy Tranity!) au Fringe, le texte signé Puelo Deir a beau être campé au milieu des années 80, les parallèles tracés à trente ans d’intervalle sont infiniment nombreux. La semaine dernière, les participants de la Fierté montréalaise ont souligné les batailles gagnées et les droits acquis, en continuant de faire résonner les chants de l’égalité en l’honneur des pays où l’homosexualité est encore passible d’emprisonnement, de torture et de mort.

Dans la pièce, on suit le destin de Jude, un fugueur de 17 ans qui n’accepte pas son homosexualité. À son arrivée à Montréal, il débarque dans un club situé dans ce qui s’appelle aujourd’hui le «village gai», avant d’être recueilli par Miss Gracie, la vedette drag queen des lieux. Naïf, en quête de sens et d’identité, il étourdit ses questionnements existentiels en devenant danseur nu, en vendant son corps au plus offrant et en consommant de la drogue.

Il fait la découverte du monde gai, à une époque où le sida – jadis surnommé le «cancer gai» – se propageait à un rythme effrayant parmi la communauté homosexuelle. Bien que les traitements aient évolué et que la maladie ne soit plus aussi majoritairement associée à la communauté gaie, le jugement et le rejet dont les malades sont victimes ne semblent pas avoir évolué en 30 ans.
 © Dominic Brunet (Fotofusion)
En 2014, un pays comme l’Ouganda envisageait d’adopter une loi pour criminaliser les porteurs du VIH. Trois décennies plus tôt, le personnage de Michel, un ex-soldat qui se lie d’amitié avec Jude, tente de réveiller les consciences, de mettre fin à la stigmatisation et d’inviter les gens à se battre ensemble, plutôt que de s’exclure. Même si certains dialogues se révèlent parfois simplistes, voire peu crédibles, le texte de Saint-Jude du Village expose une réalité qui impose la réflexion. Le talent de ses interprètes y est pour quelque chose.

En Gracie, Marc-André Leclair met à profit toute son expérience de drag queen au Cabaret Mado en tant que Tracy Trash, afin de présenter des numéros parfaitement crédibles et divertissants, en plus d’être juste et touchant dans son jeu. Alexis Lemay-Plamondon met toute l’énergie du monde à interpréter Jude, avec sa naïveté, son enthousiasme, ses mouvements de bassin suggestifs, ses démons intérieurs et sa lente déchéance. Simon P. Therrien se révèle le plus solide des trois, alors qu’il arrive à construire un personnage débordant de nuances, tant dans sa solidité que sa vulnérabilité.

On pourrait reprocher à la production des transitions trop longues et quelques clichés faciles dans les numéros chantés, mais ce serait passer à côté d’une thématique traitée avec pertinence et sensibilité.

Saint-Jude du Village
À la Salle Claude-Léveillée de la PDA | Du 20 au 24 août 2014

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