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«The Book of Mormon»: totale perversion de la comédie musicale des créateurs de South Park
Crédit: The Book of Mormon

On peut reprocher beaucoup de choses à Matt Stone et Trey Parker, les créateurs de South Park (en fait, je n'ai aucune idée de ce qu'on pourrait leur reprocher, mais ça commence bien un texte.) Par contre, il est impossible de leur reprocher de ne pas être drôles. Sévissant à travers de multiples médias, les deux camarades diffusent depuis un bon moment déjà leurs satires caustiques et décapantes, sans égard à ceux qu'ils écorchent. Leur pièce The Book of Mormon, un projet connaissant un succès retentissant, sera présentée à Montréal en décembre. N'ayant pas eu la patience d'attendre jusque-là, je me suis rendu à Ottawa afin de découvrir un des «musicals» les plus populaires de l'histoire de Broadway.
 
C’est en 2003, après avoir vu la pièce Avenue Q, que le projet commence à germer dans la tête des deux amis. En effet, après le spectacle, Stone et Parker vont prendre un verre avec Robert Lopez et Jeff Marx, les créateurs d’Avenue Q. Ils se découvrent alors une fascination mutuelle pour l’Église Mormone, et se mettent immédiatement à jeter des idées sur papier. Suite à des différends, Marx est écarté de la production, alors que Lopez est crédité en tant que co-créateur de l’œuvre — ayant composé la musique — au même titre que Stone et Parker. Il faudra attendre presque huit ans avant que la pièce ne débute sur Broadway, au Eugene O’Neill Theatre, le 24 mars 2011. La consécration est immédiate: la pièce récolte quatorze nominations aux Tony Awards — l’équivalent des Oscars pour les arts de la scène — et repart avec neuf trophées, dont celui du Best Musical. Le succès au box-office est tout aussi époustouflant, la pièce ayant remboursé l'investissement initial de 11.4 m$ en seulement neuf mois.
Crédit: Rainer Hosch
The Book of Mormon raconte l’aventure de deux jeunes croyants qui partent en mission en Ouganda. Elder Price, joué par KJ Hippensteel, est le parfait missionnaire: dévoué à l’Église, svelte et sûr de lui. Son compagnon, Elder Cunningham, dont le rôle est tenu par Nyk Bielak, est exactement le contraire: petit, rondouillard, et totalement dépourvu de bon sens. Les deux comparses sont vite dépassés par le climat politique tendu, l’absence totale de filet social, et la misère généralisée du village ougandais auquel ils sont assignés. Ils tentent tant bien que mal de répandre la parole de Joseph Smith auprès des villageois, avec des résultats mitigés, jusqu’à ce que la jeune Nabulungi, jouée par Dayna Jarae Dantzler, réussisse à convaincre ses concitoyens de les écouter. Vous avez là les prémisses de l’histoire, et je vous conseille fortement de ne pas chercher à en savoir plus, afin de savourer au maximum l’humour déjanté de l’œuvre.
 
La plus grande force de la pièce, ce qui la rend si virulente dans la propagation du rire, c’est cette totale perversion du musical — un média traditionnellement bien-pensant. Broadway est d’habitude beaucoup plus Cats et Lion King que South Park. Donc, de voir des artisans de la scène chanter à pleins poumons «Fuck you God» peu surprendre un peu. La distribution est déborde de talent; les décors, sans être grandioses, sont efficaces et semblent être kitsch de manière délibérée; la musique et les chorégraphies sont parfaites. Le seul bémol, selon moi, se trouve dans la longueur du premier acte. En effet, environ vingt minutes avant l’entracte, la pièce perd un peu de vigueur. Les gags pipi-caca-politique s’essoufflent, et on commence à se demander si le deuxième acte ne sera pas décevant. N’ayez crainte, car après la pause le «musical» retrouve sa vitesse de croisière et file jusqu’à la ligne d’arrivée sans qu’on cesse de se taper les cuisses en rigolant comme une bande de joyeux drilles.
 
Je vous recommande fortement The Book of Mormon. Tout en vous rappelant que c’est une création des auteurs de South Park, donc si vous n’êtes pas déjà attiré par ce genre d’humour, vous êtes peut-être mieux de passer. Vous savez?
 
The Book of Mormon
Du 2 au 7 décembre 2014 | Place des Arts | Billets en vente sous peu

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