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Le Détesteur: «J’pense que j’me suis faite violer, mais j’pas sûre.»
Mercredi dernier, 2:27AM. Il fait nuit et je la passe au travail.

Un inbox pop:
«J'pense que j'me suis faite violer tantôt, mais j'pas sûre.»

OMG… que je réponds.

C'est une amie. L'hiver passé on a été prendre un verre. Je venais tout juste de publier un texte traitant de la culture du viol. En s'y référant, elle s'est montrée légèrement dubitative quant à l'existence d'une telle culture et demandait à c'que je l'éclaire davantage sur le sujet. Ce que j'ai fait.

Au bout de quelques minutes, elle comprenait qu'il était question d'un truc beaucoup plus deep que la version simpliste que s'obstinent à propager avec vigueur les négationnistes.

Donc voilà, mercredi soir, elle me inboxe pour me dire qu'elle croit qu'on vient de la violer et sollicite mon avis, vu la convo qu'on avait eu au courant de l'hiver. Pour que je l'aide à déterminer s'il s'agissait d'une agression sexuelle ou non.

Elle m'explique qu'un ami de classe s'est rendu chez elle pour un service qu'elle avait promis de lui rendre. Plaisir et alcool, mais aucun flirt, précise-t-elle. Zéro attirance envers ce dude. Un collègue d'école, rien de plus.

Et outta the blue, langue dans la bouche. Surprise, elle relâche un rire de malaise, du genre: WTF avec ça? — Grand et fort, il la prend et l'amène à sa chambre. Sans condom, il la pénètre. Raidement.

«J'ai pas été capable de crier ou juste dire NON, j'ai figé. Fak là j'me sens responsable de c'qui vient de m'arriver; j'me sens slut. Tsé, j'ai accepté de boire de l'alcool avec lui.»

Accepter de prendre un verre, c'est pas un oui, ça. T'as consenti à rien?, que j'lui demande. «Non. J'ai été moumoune et j'me suis laissée faire. Il voyait bin que j'participais pas, que j'aimais pas ça et qu'il fourrait une guenille. J'avais peur de lui, je savais pas quoi faire. En plus, j'allais devoir affronter son regard à l'école, demain matin.»

Je la relance: TABARNACK. Mais il voyait pas que t'étais pas bien avec ça?

«Je sais pas, il me disait: "Pourquoi tu fais cette face-là?" et je répondais qu'il était crissement intense. À quelques reprises, il me répétait: "Arrête de faire cette face-là, t'aimes ça!" Il m'a même fourrée dans le cul, sans préavis. Ce coup-là, j'ai eu la force de dire NON. Il a continué quand même. Pas longtemps, mais quand même.»

Ok. Il t'a baisée sans consentement, sans flirt. Sans te consulter au sujet du port du condom; il peut t'avoir mise enceinte et refilé des maladies. Et même si t'avais accepté d'le faire, à partir du moment que tu dis NON, le consentement ne tient plus et tout ce qui se passe par la suite peut être considéré comme une agression.

«Il m'a baisée 4 fois de suite, j'avais jamais vu ça avant. Il m'a même lancé: "T'as pas dit non, donc c'est oui".»

Quatre fois de suite sans même prendre conscience de ton incapacité à y prendre du plaisir. Je n'ai aucun doute, et je sais, ça fait pas de bien à entendre, mais tu t'es faite violer. Tu dois absolument te rendre à l'hôpital maintenant et signaler une agression sexuelle.

Elle a pris toutes les mesures nécessaires. La police s'est rendue chez elle et lui a envoyé une ambulance. Une plainte a été faite à l'endroit de son présumé agresseur et elle en parle, sans honte, à ses amis, à sa directrice. Elle accepte que j'en parle ici, sans la nommer.

Elle m'a confié que d'avoir discuté de culture du viol, slut shaming et victim blaming avec moi l'avait beaucoup aidée à ne pas se responsabiliser d'emblée pour ce qui venait de lui arriver. Que ça lui avait permis d'agir rapidement et d'en parler. Qu'elle n'avait pas à se sentir honteuse.

Et qu'autrement, elle aurait probablement fermé le dossier le soir même en concluant qu'elle avait été infidèle envers son copain en acceptant de prendre un verre avec un autre homme pour qui l'alcool veut dire oui.

Et le plus fucked up dans tout ça, c'est que ce dude est reparti chez lui, comme ça, conscient qu'il devait la revoir à l'école le lendemain, sans même se douter de l'odieux crime qu'il venait de commettre. 

Les jours passent et elle n'est toujours pas retournée en classe, depuis. Il l'a textée, appelée et inboxée à plusieurs reprises. Sans réponse. Ses envies de caca doivent certainement se multiplier. Too bad.

Je te déteste.