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Le Détesteur: changer les perceptions
Crédit: Catherine Normandeau

Pendant longtemps, j'ai refusé de dire que j'étais chubby. Pas que j'me convainquais de l'inverse, mais c'est que t'ouvres une porte à la moquerie, quand tu fais ça. Les gens font le lien: ah, le malaise est brisé, il admet lui-même être le détenteur de quelques livres en trop, je peux donc faire des blagues. Plein de blagues. Pas drôles, qui ont déjà été dites 46 000 fois.

Fak, pour éviter que #lesgens focussent sur mon poids et me donnent encore plus envie de mourir, j'avais banni «être gros» et ses variantes de mon vocabulaire. J'étais, point.

Et c'est là que j'ai rencontré Carlos Fréchette (Les Invincibles, à la télé). Un grand chubby qui fonctionne normalement en société et pour qui les filles tombent facilement. Elle est là, la clé: Regarder un autre fonctionner normalement en société. On a beau être marginal; tout le monde a besoin de s'identifier à quelqu'un qui se rapproche, physiquement ou dans la tête, de lui. Pour mieux s'observer, poser un regard externe sur sa personne.

Moi, j'étais Carlos Fréchette. Et quand Dave Grohl a pris du poids, j'étais Dave Grohl. J'étais Jonah Hill, Louis CK et Seth Rogen, aussi.

Au début je portais la barbe pour ne plus avoir à m'analyser le menton et finalement, la barbe est devenue supra-tendance. J'étais Zach Galifianakis.

Tranquillement, à force de m'identifier à des modèles à la shape ronde que je savais adulés par bon nombre de personnes (et notamment par ceux qui normalement trouvent ça bin comique de se moquer du physique des gens), j'ai fini par m'assumer. Je suis chubby.

Dans les films, on ne remet même pas leurs pouvoirs de séduction en question. No-non, ils charment les filles, comme ça, sans rien devoir à personne. Pas un instant leurs amis trouvent insolite qu'un gros se ramène des chix à dormir; tout est normal.

Je suis d'avis qu'un seul film/série peut faire toute la différence. M'a suffi qu'un gros dude devienne supra-cool pour que j'me développe un man crush pour lui et du coup, pour moi. Avant, je ne les aimais pas, les hommes gros, ils me rappelaient trop ce qu'on m'a appris à détester de mon corps, de moi. Maintenant j'admettrais sans gêne trouver crissement beau et swaggé Zach Galifianakis.

Et même si plusieurs filles rêvent d'un Ryan Gosling, je sais qu'un Seth Rogen ne les dégoûteraient pas forcément pour autant.

Maintenant, je souhaite que la même chose arrive aux femmes. Qu'on bande sur quelqu'un d'autre que Jennifer Lawrence pis Eugénie Bouchard, de temps-en-temps. Qu'une taille plus fonctionne normalement, autant à la télé que dans les pubs. 

Parce que comme c'est là, à Hollywood, il s'agit toujours d'un exploit, quand une grosse arrive à se dégoter un beau mec. Et même que les gros messieurs barbus se permettent parfois de se montrer dégoûtés par une fille en surplus de poids. 

L'homme, même si oui, on rit tantôt de lui et d'autres fois on l'infantilise, il en ressort quand même toujours plus gagnant que la femme. Il peut faire des choses dégoûtantes à la télé, qu'on va quand même finir par l'apprécier.

L'homme est la preuve vivante que la télé peut changer les perceptions de manière positive. On en tire avantage constamment. 

Au tour de la femme, maintenant. Qu'on cesse de lui dire comment gérer son corps et décider pour tout le monde ce qui plait chez elle ou pas.

Je vous déteste (et plus particulièrement toi, Summum).