Aller au contenu
Le Détesteur: Xavier Dolan et l’inertie de monsieur-madame-tout-le-monde

Je ne me fais pas trop de mauvais sang avec le monde qui refuse de reconnaître le talent de Xavier Dolan. Après tout, j'me dis que la plupart d'entre eux ne pourraient identifier le grand homme qui partage avec lui le prix du Jury décerné à Cannes.

Fascinant, quand même, non? Des gens mourront sans jamais avoir entendu parler de Jean-Luc Godard. Parmi eux, certains raffolent de Ciné-Pop/Prise 2 et d'autres sont abonnés à une chaîne qui porte pour slogan «La télé des cinévores». Des madames et monsieurs qui ont vécu au temps de la Nouvelle Vague, qui ne sauraient reconnaître les grands de leur propre époque.

Et Godard n'est pas moins une légende pour autant.

Le cinéma d'auteur, comme celui de Dolan, est raffiné. Et avoir des goûts raffinés n'est pas supra bien vu. On donne des surnoms à connotation péjorative, aux raffinés. Le concept du goût raffiné évoque, dans l'imaginaire collectif, la condescendance, le foulard, le béret pis la mondanité.

Dans certains cas, y adhérer impliquerait une trahison au niveau des valeurs personnelles, collectives ou familiales. Quiconque ne passe pas du Journal de Montréal au Monocle Magazine comme bon lui semble. C'est tellement plus complexe que ça.

On ne se lève pas d'un coup sec comme ça pendant que tout le monde est assis. On consulte, on fait part de notre intention d'se lever, on explique pourquoi, on laisse l'autre déblatérer, on insiste un peu pis là on se lève.

Se donner le choix de faire ou voir les choses différemment de la masse demande beaucoup d'énergie puisque constamment contesté. La simple action de se délivrer d'une inertie ou de mauvaises habitudes est un statement en soi qui dévoile une présumée arrogance hors de ce monde.

«Bon, bon, bon, un autre mangeux de pissenlits qui pense sauver le monde! Tu crois vraiment que c'est mieux de manger juste d'la salade?? Tu m'feras jamais arrêter de manger un bon gros steak saignant, en tout cas!»

#lesgens digèrent mal que #lesgens changent.

«Je t'ai connu médiocre, je suis médiocre, tous nos amis sont médiocres, veux-tu bin m'expliquer quelle espèce de déclic s'est fait dans ta tête pour que t'aies soudainement eu envie d'te sortir de cette médiocrité qui nous unit?»

#lesgens enragent parce qu'ils ne croient pas vraiment qu'on puisse adhérer de manière honnête et totalement délibérée à des pratiques comme le végétarisme, par exemple. Ils y voient un affront, une façon de crier sa suprématie sur tous les toits.

Manger de la viande, du fastfood, jeter les déchets par terre, se déplacer exclusivement en voiture, fumer la cigarette, employer si j'aurais à outrance et visionner 8 fois de suite Rapide et dangereux 6 deviennent des actes de résistance qu'on félicite, qu'on applaudit.

Monsieur-madame-tout-le-monde s'enfonce dans le confort de sa médiocrité et amène avec lui ses semblables. Voilà ce qui le tient hors de danger d'être exposé à une oeuvre de Godard et ce qui, d'emblée, le pousse à trouver plate un Dolan en rotation à Super Écran. 

Et Xavier, lui, il est débarqué déjà bien homosexuel et assumé, n'a laissé planer aucun mystère ni personne spéculer quant à son orientation. Il s'est présenté avec une coupe de cheveux qui a vite fait de porter son nom. Il s'est donné le choix, n'a consulté personne ni attendu la permission pour être. 

On l'a détesté pour ça, parce qu'il représente tout ce que le commun des mortels n'osera jamais devenir par crainte de trahir, de décevoir, de donner l'impression de se voir meilleur que ceux, nombreux, qui préfèrent rester assis.

Je vous déteste.

Plus de contenu