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Victime de la porn: le coma sexuel

Auteur: Eric Chandonnet
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Victime de la porn: le coma sexuel
Crédit: Émilie Deshaies

Je vantais récemment les relations à court terme, mais elles sont loin d’être parfaites. Par exemple, elles sont particulièrement volatiles. C’est là que t’aimerais être un player prolifique avec sept-huit babes en attente ou posséder un harem. (Ou être une fille.) Au moins, quand t’y vas en mode polygamie, tu peux te permettre un certain taux de roulement dans tes complices de nuit. Quand tu perds un lover sur un grand total de un, ta vie sexuelle freine sec.

Et là, c’est le coma sexuel. Le vide. Et c’est difficile à gérer parce que la vie sexuelle apporte beaucoup. Même quand tu n’as pas vraiment de vie, si t’as au moins une vie sexuelle qui a du bon sens, tu t’en sors.

T’as besoin de cette affection. Il y a des trucs qui ne s’expriment que dans le sexe. Il y a des trucs qu’on ne partagent que sur l’oreiller. Qui ne se disent que lorsqu’on est écrasé sur quelqu’un à bout de souffle. Qui ne se transmettent qu’en s’embrassant face à face en cuillères inversées.

Tu manques tout ça quand t'as la vie sexuelle dans le coma. Non seulement tu te sens seul, mais t’as l’impression que tout le reste de la planète fourre. Tout le monde sauf toé.

La bonne vieille porn réconfortante est toujours là pour toi, comme une bonne vieille paire de pantoufles chaudes et pleines de lube, mais encore là, t’es pogné pour garder tous tes commentaires pour toi.

Tu n’as plus de fuck-bunny favori à qui partager « checke comme elle vient fort! » ou « checke comme sa petite bouche est remplie au max! » Tu peux en jaser avec certains amis, mais jaser de porn entre amis, ça désexualise tout. (Et les photos de deepthroats pleines de bile sur Instagram, ça crée vite des malaises.)

Pourtant, on s’habitue rapidement à pouvoir échanger des saloperies avec les gens. Surtout la nuit. En fait, le vide que l’absence de vie sexuelle provoque est surtout pénible de minuit à quatre.

On s'habitue à se faire réveiller la nuit par quelque chose de naughty. Vive les sextos! Le sommeil réparateur et ininterrompu, c’est pour les perdants. Un petit « je pensais à toi » ou « tes traces de dents dans ma cuisse sont en train de partir… faudrait qu’on se revoit » avec une photo de circonstance.

Et là, pu rien! Ça arrête dinde frette! Les nuits deviennent longues.

Tu laisses quand même ton téléphone à côté du lit avec le son dans le tapis au cas où! Tu vérifies deux-trois que ton app Snapchat fonctionne bien. Tu mets tout le monde qui a un beau cul dans ta liste VIP pour être certain de ne manquer aucun appel, même durant la nuit (ou tes meetings). Chaque fois que ton téléphone vibre, t’espères la fameuse photo d’une grosse paire de boules squeezées ou d’une énorme verge veinée qui te permettraient enfin de redécouvrir la vie.

Finalement, tu te fais réveiller à 2h du matin. Tu te dis « À moi les sextos pleins de photos! » alors que ton entrejambe s’active déjà à produire de la mouille pour une orgie de trois jours. Mais la vie n’est pas qu’une chienne, c’est une chienne agace. C’est plutôt ton fournisseur internet qui a cru bon t’avertir en pleine nuit que t’as défoncé ton quota de bande passante en téléchargeant toute cette porn.

Merci, compagnie cockblockante de marde! Merci de faire filer encore plus perv!

En fait, sans une vraie vie sexuelle, tout paraît perv. Je déteste ce mot. Être en manque de cul, c’est perv. Demander du buttsex à sa fête, c’est perv. Avoir une érection quand Carey Price fait un arrêt de la mitte, c’est perv. Frencher le petit militant de coin de rue qui veut te faire signer une pétition, c’est perv.

C’est perv de demander à quelqu’un de te texter ses fesses à sa prochaine douche. (Même en les vouvoyant!) Et texter les tiennes en premier est vu comme pire! Même rappeler tes derniers loveurs matchés pour dire que t’as pas mal beaucoup envie de les fourrer très fort, c’est perçu comme un faux pas de sexetiquette.

Quand tu n'as pas de vie sexuelle, tout est toujours trop perv!

D’ailleurs, c’est ça qui fait autant de bien lorsqu’on se trouve enfin quelqu’un avec qui fourrer. Tout ton côté perv cesse d’être vu comme péjoratif. T’es enfin reçu dans ta perversion. Tu n’es plus un branleur pathétique, t’es le branleur pathétique que quelqu’un apprécie. T’as enfin un break de culpabilité pour toutes ces idées croches qui te passent par la tête Enfin un public sexy pour extérioriser les envies cochonnes qui te traversent l’esprit.

Ça arrête d’être perv, tordu ou cochon. C’est juste toi. Enfin toi. Moins de jugement, plus de salive. Et dès les premiers chuchotements à l’oreille, tu te sens enfin revivre.