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Chronique de fin de soirée: Au revoir, ma Belle Italienne.

On le savait.
 
On a refusé d’y croire pendant un moment, un moment assez long pour rêver qu’on y croyait. Mais le moment où je devais dire au revoir à ma Belle Italienne était inévitable.
 
Et j'ai le coeur brisé.
 
Certes, on se permet de se remémorer nos plus beaux moments. Dans un réflexe masochiste, on se souvient des premières rencontres, des premiers sourires gênés, des regards complices échangés pour se dire bien plus que ce que n’importe quel mot peut vouloir dire.
 
De l’après-midi où j’avais planifié de la surprendre à la Librairie italienne, de nos premières idées philosophiques partagées autour d’un espresso au Dépanneur Pick-Up, de la soirée où je l’ai amené magasiner des chaussures après qu’elle eut brisé le talon de celles qu’elle portait.
 
Ma poitrine se serre déjà à l’écriture de ces quelques lignes, car tout ceci n’est que le début. Le plus beau des débuts. La suite est magique; la fin sera tragique.
 
Notre relation s’est développée dans un Montréal frigorifié par un hiver qui ne voulait plus partir. On a trouvé refuge dans nos bras, réchauffé par nos corps respectifs qui s’entrelaçaient comme si nous étions faits l’un pour l’autre. Je me souviens que cela me faisait peur, que cela nous faisait peur.
 
Parce qu’on savait.
 
Mais on a refusé d’y croire. Surtout lors de la journée passée au Bota Bota. Ce n’était certainement pas la première fois que l’un et l’autre partageaient une journée au spa en compagnie d’une personne du sexe opposé. Par contre, je me rappelle parfaitement de cette fin de soirée au Nouveau-Palais, où perdu dans le regard de l’autre, nous avons consciemment décidé d’oublier la fin imminente de notre relation.
 
C’était le début de la fin, on le savait.
 
On a même pris le temps de rêver d’une fantaisie traditionnelle qui n’existe même plus dans les plus beaux récits d’amour. On a parlé de voyage, de faire le tour du monde, de la Suisse, de l’Italie, de la Nouvelle-Calédonie. Mais pire, nous avons parlé de maison, de famille, d’enfants. Nous avons rêvé du futur. Je lui ai même offert une alliance faite avec une enveloppe de baguettes asiatiques lors d’un souper chez un resto thaï du coin. Et c’est à partir de ce moment que j’ai découvert ce que je ressentais vraiment pour ma Belle Italienne.
 
Imaginez, un vieux célibataire comme moi, qui se cache dans les méandres des nuits vides, qui se confond dans l’opulence de l’excès, depuis tant d’années, à la recherche de quelqu’un qui puisse lui donner le goût de vivre autrement, autre chose. Imaginez ce vieux célibataire qui, soudainement, rêve d’un futur. On ne réveille pas un cœur cicatrisé un peu n’importe comment sans douleur. Mais j’ai fait le choix d’y croire, parce que je voulais croire au meilleur, et cesser de m’imaginer le pire.
 
À plusieurs reprises j’ai craqué sous la pression, réveillant au passage de vieux démons. J’ai rendu la notion de couple compliquée. La spontanéité s’est transformée en une chorégraphie qui ne donnait plus le goût à personne de danser. Trop vite, la rêverie routinière est tout simplement devenue une routine accablante. J’ai mal vécu le couple, je nous ai coupé les ailes.
 
Le corps malade d’une tristesse que je ne veux pas quitter, je regarde aujourd’hui ma Belle Italienne s’envoler loin de moi. La peine qui m’afflige est possiblement la seule émotion authentique qui existe encore. Parce que c’est le prix à payer pour avoir cru en quelque chose.
 
Mais surtout parce que je ne veux pas (encore) la chasser de mon esprit.
 
Elle part loin de moi, quelque part d’où elle provient déjà. Pas pour l'Italie, mais simplement loin de moi. Tout comme j’ai déjà pu le faire, pendant des années, elle retourne vers l’inconnu, à la recherche de quelque chose de fondamental. Je pourrais lui reprocher de ne pas s’être battue pour le concret, de lui expliquer que j’en reviens d’où elle retourne, et que je n’y ai rien trouvé de mieux.
 
Or, il est impossible de forcer quelqu’un à rêver.
Encore moins à un rêve qui n’existe probablement pas.
 
Arrivederci ma Belle Italienne.
Je t'attendrai, mais sache surtout, que je ne t’oublierai jamais.
 
Je t’aime.

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