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Les toiles conceptuelles du Montréalais Jean-Pierre Séguin sont déroutantes et à découvrir!
Crédit: "Peace and Love" de Jean-Pierre Séguin (2011-2012, 3000 figurines de soldats collées et peintes sur bois)

Nous avons parfois tendance à percevoir les arts visuels comme un média statique. L’artiste expose son tableau, nous nous plaçons devant en bon planton discipliné, et nous apprécions. Cette relation à sens unique est bien sûr fausse; l’artiste talentueux sait nous prendre, nous englober dans son œuvre afin qu’elle devienne un peu nôtre. Jean-Pierre Séguin maîtrise parfaitement cette dynamique relationnelle. Nous l’avons rencontré afin de mettre en lumière son amour de l’art conceptuel, son désir de faire réfléchir et d’amener l’observateur au-delà de l’esthétique, là où les toiles transcendantes prennent vie.
 
La plus récente série d’œuvres de M. Séguin, portant sur la Deuxième Guerre mondiale, comporte plusieurs portraits réalisés à partir de figurines de soldats de plastique peintes, puis apposées sur le bois. Cette technique déroutante permet de jouer sur la perspective, la profondeur; elle pousse l’observateur à se déplacer afin d’apprécier les multiples facettes du travail. Cette façon de déconstruire le portrait, un classique des arts figuratifs, est une exploration chère à l’artiste. Il explique: «J’ai voulu prendre quelque chose de plus classique, car c’est quand même un thème assez classique, et j’ai voulu l’exploiter de façon contemporaine. Le portrait est important, dans l’optique où il permet de mettre en place une idée. Si le spectateur s’approche, il peut voir une armée de soldats, et s’il se recule il va voir un portrait du général Eisenhower. On joue sur le concept de la perception et des moyens de fabrication de l’image: jusqu’à quel point on peut mettre de l’information et en enlever, et quel type d’information on peut ajouter au portrait.»


General Eisenhower de Jean-Pierre Séguin (2012-13, figurines collées et peintes sur bois)
Ce désir d’explorer les images de la Deuxième Guerre mondiale lui est venu lorsque la galerie new-yorkaise OK Harris l’a approché afin d’exposer ses œuvres. Il nous décrit son processus créatif: «Je voulais représenter la Deuxième Guerre mondiale, mais je ne voulais pas présenter des images dramatiques. Je trouve qu’on est déjà assez submergé de violence, je voulais tomber dans quelque chose de plus positif. De plus, je trouvais la Deuxième Guerre mondiale intéressante, car on se battait pour la liberté contre le fascisme, ce n’était pas une guerre de conquête, mais bien une guerre défensive. J’ai décidé de rendre hommage à ces gens-là. J’exposais aux États-Unis, j’exposais à New York, je me suis dit ''je veux rendre hommage aux gens, donc je vais parler des gens qui sont là.''»
 
L’utilisation de figurines de soldats de plastique n’est pas la seule technique inusitée employée par l’artiste dans la réalisation de ses œuvres. M. Séguin considère qu’il est important de surprendre le public, de «challenger» ses idées reçues: «C’est une forme de défi, j’essaie de découvrir de nouvelles façons de produire l’image pour surprendre un peu le spectateur. Le produit fini a son importance, mais ce n’est pas la seule fin en soi. Le concept et la fabrication de l’objet, la perception du sujet, pour moi, c’est le plus important.» La réflexion induite par l’œuvre, la démarche intellectuelle qu’elle génère chez le spectateur est tout aussi primordiale pour l’artiste que l’irréprochable plastique; on se délivre de la tyrannie du beau pour évoluer sur le plan du «logos». Force est de constater que rien n’est laissé au hasard chez Séguin, tout a sa place et tout s’imbrique afin de former un labeur cohérent… et visuellement époustouflant.

Andy Warhol de Jean-Pierre Séguin (2007, billes)
Judy Garland de Jean-Pierre Séguin (2013-2014, broderies, devant et derrière)

Vous pouvez voir son travail à la galerie Graff à Montréal et à la galerie OK Harris à New York. 

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