Aller au contenu
Victime de la porn : vive la porn féministe!
Crédit: Catherine Normandeau

Il ne reste plus qu’à savoir ce que c’est!

Ça fait plusieurs fois qu’on me demande d’aborder le sujet (potentiellement explosif) de la porn féministe tout en m’envoyant des articles de femmes qui abordent la question. Bien sincèrement, je m’y retrouve rarement. J’ai l’impression que personne ne s’entend sur la définition et que ça va dans tous les sens. En fait, très souvent, il s'agit plutôt de l’article d’une féministe qui parle de sa porn préférée. Est-ce que ça devient de la porn féministe par extension? Peut-être. (Mais prétendre que toutes les femmes ont des trips semblables, ça ne sonne pas super féministe.)

On confond aussi assez souvent porn féministe et porn pour les filles. Au lieu d’avoir le point de vue du gars avec des fantasmes de gars réalisés par des gars, on aimerait présenter le point de vue de la fille avec des fantasmes de fille réalisés par des filles. J’imagine que ce qui est féministe, c’est qu’un maximum d’options existe, même si tout le monde n’a pas nécessairement à triper fort sur la porn.

(D’ailleurs, je suis récemment tombé sur de la porn POV où l’on alternait entre le point de vue de la fille et le point de vue du gars. Bravo pour l’effort d’égalité, mais j’avais plus l’impression de regarder de la porn pour bisexuel que de la porn féministe.)

Parfois, on ne propose pas vraiment de porn féministe en tant que tel, mais on dénonce avec un point de vue féministe les tendances nuisibles. Je trouve ça intéressant, même si j’ai toujours un peu de misère quand on s’attaque à la porn en tant que gros bloc monolithique. Si tu ne trouves pas déjà la porn variée, il faut que quelqu’un t’explique comment googler.

Mais bon, il faut le concéder. Du gros machisme sale dans la porn, il y en a des tonnes et des tonnes. Est-ce que ce serait plus féministe de juste interdire la porn et sa consommation? Ça se défend. Le débat revient sensiblement au même qu’avec la prostitution où deux courants de pensée s’affrontent :
 

« On doit interdire l’exploitation du corps de la femme. »
VS
« La femme peut faire ce qu’elle veut de son corps. »
 

Les deux options sont défendables, et on peut en débattre longtemps. (VRAIMENT longtemps, si on se fie à mes historiques Facebook.)

Pour moi, la porn féministe, c’est un peu comme du café équitable. (Est-ce que j’ai déjà fait UNE comparaison crédible avec cette chronique?) Ce n’est pas en le consommant qu’on se rend compte qu’un café est équitable ou non. On doit faire notre petite enquête sur les conditions de sa création, les conditions de travail des employés, les moyens de transport utilisés, etc.

C’est pareil avec la porn. Ce n’est pas en regardant une scène ou l’affiche d’un film que l’on peut juger si elles sont féministes ou non. Au contraire, c’est souvent en regardant tout ce qu’on ne voit pas.

  • Est-ce que tout le monde était consentant et traité avec respect de façon égalitaire? 
  • ​Est-ce que les employés ont eu de bonnes conditions de travail avec un salaire juste et équitable?
  • Est-ce que la moitié du staff est fraichement débarquée d'un bunker afghan?  

Mais bon, on s’entend. Comme consommateur, des fois, on a beau être super vertueux, on a juste envie d’un petit criss de café sans se prendre la tête avec la longue enquête exhaustive. (Pour ensuite se rendre compte que ça goute un peu la culpabilité.)

OK! J’arrête ma comparaison nulle! (De toute façon, je déteste le café.)

Mon point, c’est que la porn n’a pas nécessairement besoin de présenter du sexe égalitaire avec des ralentis de vagins variés et de la tendresse respectueuse supra-évidente en tout temps pour être considérée féministe. Au contraire, une féministe peut très bien fantasmer fort en regardant une bimbo se faire défoncer par vingt brutes qui ne votent pas QS.

Il y a une différence fondamentale à faire entre le sexe et la « vraie » vie.

D’ailleurs, plusieurs sites BDSM présentent après chaque scène un petit entretien où ils échangent avec les pornstars hors du contexte sexuel. Les jeux de rôles sont terminés et ça permet au public de bien voir la différence entre le contexte sexuel de domination et la vraie vie où l'on traite tous les humains de façon égalitaire et respectueuse.

Finalement, la fille avait bel et bien du fun quand elle se faisait squeezer les boules dans un étau et le gars super victime éprouvait vraiment du plaisir à se faire électrocuter le prépuce. Toujours bon à savoir! Parce que quand t’arrêtes de faire la différence entre la domination dans le sexe et la domination dans la vie, t’es pas juste naïf, t’es dangereux.