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Chronique de fin de soirée: des hot-dogs et des jeux

Ce week-end,  il y avait de la balle à Montréal. Un grand rassemblement où près de 100 000 spectateurs applaudirent chaleureusement un affrontement pré-saison qui ne voulait absolument rien dire, et ce, sur toute la ligne.
 
Deux matchs sans lendemain.

Je suis un grand fan de baseball. Je joue depuis l’âge de 6 ans et je fais encore partie d’une équipe de calibre senior. J’adore le sport. J’ai même déjà apprécié le spectacle des ligues majeures.  Comme un peu tout le monde présent au Stade Olympique samedi après-midi, j’ai salué à tout rompre l’édition 1994 des Expos de Montréal : la meilleure équipe du baseball (de cette époque).
 
Or, malgré tout ce qu’on a pu écrire sur l’engouement relatif au retour des Expos à Montréal, ce n’est que du pur n’importe quoi. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain peut bien publier un nouveau rapport par année sur la viabilité d’une équipe des ligues majeures à Montréal, Michel Labrecque peut bien vanter les mérites du « Big (zér)O », François Cardinal peut bien extrapoler sur les sites potentiels d’un futur stade, le vice-président senior de la MLB peut bien rapporter à Bug Selig que les foules du week-end représentent un retentissant succès et Evenko peut bien compter ses profits, mais le principal problème demeure les 100 000 fans présents aux deux matchs.
 
Montréal a perdu son équipe de baseball parce qu’il n’y avait pas suffisamment de gens prêts à payer pour garder le club dans la ville. Et ce n’est pas près de changer.
 
Il n’y a pas assez de gens capables d’acheter des billets de saison pour 81 matchs à domicile, comme il n’y en a pas plus qui souhaitent débourser 7,50$ pour une bière. En deux jours, le commentaire que j’ai entendu le plus souvent parle par lui-même : «Tabarnak, 4,50$ pour un hot-dog a’ec une saucisse pas cuite pis un pain froid, c’est du crisse de vol!».
 
Ce n’est pas du vol, c’est le prix à payer pour se permettre un tel divertissement sportif. Et la réalité, c’est que ça n’intéresse personne. Les plus jeunes trouveront toujours le moyen d’entrer de l’alcool clandestinement et de s’avancer dans des places plus proches et moins coûteuses tandis que les plus vieux iront boire au Moe’s avant le match question de moins dépenser durant la partie.
 
Il n’y a pas d’engouement pour le retour du baseball à Montréal, à défaut peut-être d’une fièvre typiquement québécoise qui aime cultiver l’illusion que nous avons les moyens de nos rêves les plus fous. Que nous sommes à l’aise et confortables dans notre intuition profonde que nous vivons encore à une autre époque de prospérité où l’endettement moyen des foyers n’est pas un problème générationnel, n’est-ce pas?
 
Entre temps, subventionnons la construction d’un amphithéâtre qui accueillera hypothétiquement dans la Capitale Nationale le divertissement professionnel le plus abordable en Amérique du Nord, juste au-dessus de la lutte WWE. Ça, on peut (pas vraiment) se le permettre.
 
Et dire que nous pourrions saisir l’opportunité de célébrer consciemment notre intelligence collective qui priorise la restructuration du modèle québécois et pas de balancer plus allègrement l’épée de Damoclès qui nous guette. Mais non, la seule réjouissance qu’il nous reste est de se dire que même lorsqu’on nous offre du pain et des jeux, nous pouvons au moins toujours compter sur quelques Québécois pour se plaindre de la qualité du hot-dog.
 
C’est Trudeau père qui serait fier.
Ah oui, j’oubliais : ce week-end, c’est Toronto qui a gagné (les deux matchs).