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Critique du film «Ariel»: se construire des jambes de toutes pièces pour reprendre le dessus
Crédit: Ariel de Laura Bari
Regard documentaire sur Ariel, un Argentin de 33 ans qui s'est fait broyer les deux jambes à la suite d'un accident de travail causé par une bête erreur d'inattention. La cinéaste québécoise originaire d'Argentine Laura Bari (qui s'était déjà intéressée à un autre cas particulier, celui-là d'un enfant aveugle, dans Antoine) se penche sur cet homme et le suit pendant 10 années de sa vie, période post-accident. 

Portrait intime filmé en gros plans, c'est le regard qu'Ariel porte sur sa vie que la cinéaste transpose à l'écran. On est dans le point de vue du gars. On le voit en tant que père de famille, en tant qu'époux, les autres membres de la famille étant plus accessoires qu'autre chose. Ariel s'est fait amputer les deux jambes. Il est déterminé à se construire une nouvelle paire de jambes afin de se tenir debout, marcher, s'asseoir, faire les gestes quotidiens d'un passé qui revient trop souvent le hanter. Cette idée de construire en partant de rien deviendra une raison de vie; la matérialisation de son idée lui permettant de se concentrer sur un avenir meilleur afin de ne pas sombrer sur le présent qu'il cherche, par moments, à fuir. L'éclosion d'une idée surviendra dans la tête d'un homme qui aurait toutes les raisons d'être désespéré. 

Le portrait a cette qualité de ne pas tomber dans le cliché. Ariel a ses moments antipathiques. On montre en surface un homme avec toutes ses qualités, sa persévérance, ses défauts, sa dépression, son arrogance, sa violence. Il a ses torts, ses démons qui se cachent derrière son sourire et cette pulsion obsessionnelle de se tenir à nouveau debout.

Laura Bari a cette volonté d'amener un univers onirique dans son film dès l'ouverture du récit avec une étrange mise en scène d'un Ariel en sirène nageant sous l'eau… Après, ce sont des séquences qui arrivent par moments, plaçant le protagoniste dans des lieux entourés de mauvais artéfacts rappelant ses jambes manquantes. Ces détours ajoutent une poésie. On comprend qu'il rêve à travers son but, mais reste que l'image ne devient pas plus belle par cette poésie. Au niveau de la bande son, beaucoup d'expérimentations sonores assez maladroites, qui tombent un peu dans ce que l'on s'attend de sons provenant d'expérimentations sonores. Fable d'une deuxième vie qui naît après un accident, portrait de la dépression, portrait du courage et de la détermination. Même si la qualité cinématographique nous renvoie directement au documentaire style Télé-Québec, l'objet nous offre un propos fort intéressant. 

Ariel
Dès le 28 mars au Cinéma Excentris