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Le Détesteur: Lady Gaga, du vomi et la culture du contrôle

Dans le monde du divertissement, quand quelque chose ne plaît pas à quasi-unanimité, les gens ont une manière bien convaincante d'affirmer, avec certitude, que «DÉSOLÉ, mais non, ça c'est pas de l'art.»

Je me réfère ici à Lady Gaga sur qui on a déversé du vomi pendant une prestation sur scène dans le cadre du festival SXSW. Pas de l'art. Trop dégoûtant, qu'on a dit. Ç'pas ça, l'art, que tout l'monde s'empressait d'écrire à coeur levé. «L'art c'est propre, c'est beau.»

La seule image qui me vient en tête, quand un improvisé évaluateur des bonnes choses donne son verdict sur le coup de l'émotion, est celle d'un égoïste prêt à mettre l'histoire sur pause afin d'établir, à la place de toute une génération, celles des autres et celles à venir, ce que devrait être l'art ou pas. Tout ça pour deux minutes de malaises youtube par un avant-midi glacial d'hiver 2014. On change tout parce que là là, maintenant, je feel pas bien après avoir visionné ça.

Veux-tu m'expliquer pourquoi un dude, dans le confort de ses pantoufles et en direct de son salon montréalais, se permettrait un droit de regard sur la démarche artistique d'une Lady Gaga en représentation sur une scène de Austin au Texas à SXSW? Pas au Centre Bell, là. Non, dans un concert aux USA qui ne lui était même pas destiné. Pire, pour y avoir accès, il a lui-même dû taper «Lady Gaga vomi» sur Google et appuyer sur play. Ark :'( y u do dis, ladi gaga???

Karl Hardy d'EnVedette.ca a réagi à ça:
 

«Tsé, des fois, trop c’est comme pas assez. On devrait répéter cette phrase à Lady Gaga ces jours-ci. La pauvre ne se remet pas du flop de son album Artpop et essaie par tous les moyens inimaginables de faire parler d’elle.»

Really, Karl? En quelques lignes seulement, la question était déjà réglée. L'idée qu'elle ait eu envie de se prêter à un exercice artistique était écartée avant même qu'on y ait pensé. Tout d'suite, on évoque un coup marketing, une manière  désespérée de faire parler pour remédier à un flop.

C'est un peu comme le slut-shaming, au fond. Quand une fille porte des shorts trop courts, c'est pas pour le confort, mais bien parce qu'elle n'est rien d'autre qu'une salope qui espère secrètement que tous les gars du monde la fourrent à 4 pattes. L'artist-shaming, quant à lui, consisterait donc à rendre honteux les artistes qui transgressent les codes de bonne conduite des âmes frileuses. On évoque alors la dépression, le désespoir, la dérape totale.

Lady Gaga peut donc se revendiquer edgy, à condition de s'assujettir aux dogmes, attentes et valeurs de tout un chacun. Autrement dit, qu'elle se contente donc de frencher des filles dans des robes extravagantes. Tant que tout est convenu pis qu'on peut dire que ça c'est beau, ça c'est d'l'art.

On est en pleine culture du contrôle et elle permet non seulement un droit de regard sur les vedettes, mais s'étend jusque dans notre quotidien. C'est vrai, on est toujours là, à se servir de la déception comme outil de contrôle, à rappeler qu'y'aurait d'quoi se sentir misérable, s'il advenait, par exemple, qu'une fille couche avec 3 gars, au courant d'une même nuit. 

On est tous, un jour ou l'autre, ce meilleur ami secrètement amoureux qui ferait tout pour ramener cette fille à la raison, sous peine de nous décevoir. On agit impunément de la sorte avec tout le monde, sans même s'en rendre compte. On se câlisse le nez là où on ne devrait pas pis on finit par se convaincre qu'on était en droit d'le faire, simplement parce que la pression exercée assure la plupart du temps les résultats escomptés, c'est-à-dire; quand notre présumé fautif se résout à plaider coupable pour un crime qui n'en est pas un. 

Et c'est comme ça, à chaque petit scandale bénin, qu'on redéfinit à notre manière ce que devraient être l'art, l'humour et le sexe. Mais on a tort et on devra cesser.

Je vous déteste.