Aller au contenu
Chronique de fin de soirée: faire l’expérience du couple.

Il arrive toujours un moment où les premières dates deviennent quelque chose d’autre, un moment qui officialise nécessairement un nouveau statut dans la relation. On ne le prévoit pas d’avance, mais on le réalise certainement pendant qu’il se déroule.
 
C’est la première fois où l’on fait « l’expérience du couple ».
 
L’événement est plus sincère, plus intime, il devient automatiquement un souvenir; ou un cauchemar. Si tout va mal, l’amour dure deux (ou trois) semaines. Si l’expérience est moyenne, on en restera fort probablement à la limite de la friend zone. Mais si tout se déroule comme dans un rêve, on passe à l’étape de la fréquentation.
 
Ce samedi, j’invite la Belle Italienne au Bota Bota.
Au terme des cinq prochaines heures, je saurai à quoi m’en tenir.
 
Faire l’expérience du couple.
 
Ceci dit, je mentirais si je n’admettais pas que j’avais ardemment planifié et anticipé cette soirée. J’ai spécifiquement choisi la fin de la journée pour que le calme nocturne du Port de Montréal augmente la charge romantique de notre escapade. Il en va de même pour ma requête d’un massage hawaïen Lomi-Lomi en duo.
 
Et tout le reste est à l’image dudit massage.
 
Nerveusement crispés, il nous faut quelques minutes pour se décontracter convenablement. On se dénude, on se regarde, on s’apprécie pour finalement laisser place aux mains baladeuses. Peu à peu, portés par le mouvement simulé des vagues, nous basculons dans un état d’apesanteur qui nous transporte plus près l’un de l’autre. Plus on s’éloigne de la réalité, plus on se (re)trouve.
 
C’est magnifique.
 
Lorsque la sensation est maîtrisée, on se permet de l’orienter selon nos désirs. La tension musculaire nous quitte pour laisser place à d’autres types de tensions beaucoup plus agréables, quoique tout à fait inconfortables. Surtout en public, sous le regard des autres.
 
Mais on s’en fout. Le mouvement constant de la mer (ou dans ce cas-ci, du Fleuve) laisse place au traitement en profondeur. On veut se (res)sentir. Ne faire plus qu’un. Trouver un endroit plus sombre dans notre rêverie éveillée afin de se pénétrer d’espoir et d’allégresse. En une explosion de bonheur profond, on comprend que le sort est jeté. On peut bien nous faire croire que le traitement thérapeutique est terminé, qu’il est l’heure de se réveiller, nous savons qu’il n’en est rien.
 
Même si nous sommes les tout derniers à quitter l’embarcation, et que nous prenons tout le temps nécessaire pour lentement s’éloigner du Bota Bota, l’un près de l’autre dans le froid d’un mois de mars qui se promet d’être interminable, nous savons tous les deux que nous sommes déjà à des lieues de notre position actuelle. Bien au chaud, dans nos rêves les plus fous.

Et même lorsque nous sommes de retour sur la terre ferme pour un midnight snack au Nouveau Palais, perdus dans nos regards respectifs, sur un nuage qui nous fait oublier la faune urbaine qui nous entoure, nous nous embrassons à outrance au son d’une pièce de Cass McCombs que le DJ ne joue peut-être même pas.
 
Mutuellement, nous faisons l’expérience du couple pour la première fois.
Tous les deux, nous croyons (à nouveau) en quelque chose.
Ensemble, nous sommes.
 
Consciemment, nous oublions de nous rappeler que la Belle Italienne devra fort possiblement retourner vivre en Italie au cours des prochaines semaines. Pour toujours.
 
What land is this?
May I never wake.

– Cass McCombs, Dreams Come True Girl.
 

 

Plus de contenu